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Débats du Sénat (Hansard)

2e Session, 43e Législature
Volume 152, Numéro 6

Le mercredi 28 octobre 2020
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le mercredi 28 octobre 2020

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La crise d’Oka

Le trentième anniversaire

L’honorable Jean-Guy Dagenais : Honorables sénatrices et sénateurs, j’aimerais prendre quelques minutes aujourd’hui pour souligner à ma façon, et surtout avec mon vécu personnel, les 30 ans de ce qui a été baptisé la « crise d’Oka ».

L’été dernier, plusieurs ont rappelé les 30 ans de cet événement que je qualifierais d’historique et de dramatique. Cela nous a permis de constater que, depuis 1990, nous sommes des témoins impuissants de bien des paroles politiques, mais de bien peu d’actions concrètes de la part des gouvernements pour régler cette situation, qui a donné lieu, il y a encore 10 jours à peine, à de nouveaux esclandres verbaux et à des plaintes à la police au sujet du fameux boisé, qui était l’objet du conflit à l’époque et qui l’est toujours.

Il faut relire le Livre blanc de 1969 du ministre des Affaires indiennes de l’époque, un certain Jean Chrétien, sous le gouvernement de Pierre Elliott Trudeau, pour constater qu’on n’a pas beaucoup avancé. Jean Chrétien proposait, il y a 51 ans, que les affaires indiennes deviennent une responsabilité provinciale plutôt que fédérale, ce qui ne s’est pas concrétisé. Il proposait aussi que les réserves soient transformées en municipalités, ce qui est arrivé à certains endroits. Toutefois, rien n’a été fait pour régulariser les terres situées hors réserves. Or, 21 ans plus tard, il y a eu la crise d’Oka, et, 50 ans après le Livre blanc de 1969 de Jean Chrétien, on en est encore au même point. Bravo pour l’efficacité!

Revenons maintenant à ce que je voulais partager avec vous sur les événements d’Oka, quand j’étais policier en devoir. Cette crise, il ne faut pas l’oublier, a coûté la vie à un policier de 31 ans, le caporal Marcel Lemay, de la Sûreté du Québec. Je peux le dire aujourd’hui : je n’ai jamais accepté le rapport d’enquête du coroner, qui a conclu que le caporal Lemay avait été tué par une balle tirée par une arme différente que celles qui avaient alors servi aux policiers. Pourtant, qui d’autre que les policiers avait des armes sur les barricades d’Oka? Vous comprendrez qu’on a mis fin à l’enquête. Personne n’a été accusé, et personne ne s’est excusé pour la mort de cet homme.

Mon souvenir de cette crise est aussi le suivant. Pendant la crise d’Oka, j’ai reçu un cocktail Molotov qui a mis feu à mon uniforme, et je sais très bien que ce ne sont pas des policiers qui l’ont lancé. On m’a lancé des briques, mais, heureusement, je portais un casque protecteur. Je sais très bien que ce ne sont pas des policiers qui ont lancé ces briques. On m’a insulté, on a crié des mots que je n’oserais pas répéter ici, et je sais très bien que ce ne sont pas des policiers qui ont fait cela. Voilà ce qu’était la vie sur les barricades pendant la crise d’Oka. Il y avait des policiers, comme moi, qui attendaient des interventions des politiciens qui ne venaient pas. Il est peut-être temps de se demander à quoi servent les excuses si rien ne change et que l’on tombe dans ce que j’appelle le « pelletage en avant », en espérant que tout cela tombe dans la cour d’un autre.

Les affaires autochtones, pour ne pas dire les conflits touchant les communautés autochtones, occupent chaque jour une grande place dans nos médias. Il n’y a pas que les Autochtones qui attendent après les politiciens. Les citoyens d’Oka, les chasseurs de l’Abitibi et les pêcheurs des Maritimes attendent des solutions à ces conflits qui durent depuis bien des années.

La crise que j’ai vue et tout ce que j’ai vécu alors me mène à la réflexion suivante : tous ces dossiers liés aux questions autochtones n’aboutiront probablement jamais sans une véritable acceptation de la vérité de part et d’autre, sans une volonté sincère de cesser de regarder derrière pour se consacrer à bâtir l’avenir. Bien sûr, certaines choses ne s’effaceront jamais, comme la mort de mon collègue et ami le caporal Lemay en 1990. Sachez que même des excuses ne le ramèneront pas à la vie.

[Traduction]

Wahbung: Our Tomorrows

L’honorable Mary Jane McCallum : Honorables sénateurs, les extraits suivants sont tirés du prologue et du message du Grand Chef, dans un document intitulé Wahbung: Our Tomorrows et écrit par les tribus indiennes du Manitoba en 1971 :

Les quatre tribus indiennes du Manitoba — les Cris, les Ojibwés, les Chipewyans et les Sioux — présentent conjointement, dans le cadre de la Fraternité des Indiens du Manitoba, au peuple canadien, par l’intermédiaire de son gouvernement, notre position sur les politiques nécessaires pour parvenir à une relation juste, honorable et mutuellement satisfaisante entre le peuple canadien et les Indiens du Manitoba.

Nous, les premiers habitants de ce territoire appelé aujourd’hui Manitoba, sommes le peuple à la volonté indomptable de survivre et survivre en tant que peuple fier, fort et créatif.

Pendant les siècles où nous avons vécu sur cette terre, nous avons connu bien des difficultés, car la terre ne se montre pas toujours tendre, et notre peuple, comme tout le monde, a dû trouver des moyens de s’adapter à un environnement changeant.

Ces cent dernières années ont été les pires, mais elles ne nous ont pas brisées, ni tué notre amour ni notre attachement pour cette terre ni notre loyauté envers elle. Nous avons survécu en tant que peuple.

À cause de notre attachement à la terre, nous devons aussi contribuer au développement de sociétés harmonieuses pour tous ceux qui vivent sur cette terre. Nous ne pourrons, cependant, pas le faire si nous n’avons pas les moyens de bâtir une société harmonieuse pour nous-mêmes. On nous en a constamment et systématiquement empêchés depuis la signature des traités il y a cent ans.

Trois faits fondamentaux sous-tendent ce document et se retrouvent dans tous ses coins et recoins.

(1410)

Premièrement, nous sommes déterminés à demeurer un groupe de personnes fort, fier et identifiable.

Deuxièmement, nous refusons que nos vies soient dictées par d’autres, qui ne connaissent pas nos coutumes et ne peuvent les comprendre.

Troisièmement, nous sommes un peuple du XXe siècle, et non une relique folklorique haute en couleur. Nous sommes aptes, compétents et parfaitement capables d’évaluer les conditions d’aujourd’hui et de trouver des moyens de nous y adapter avec succès et de manière positive.

Les autres Canadiens doivent reconnaître ces trois faits.

Nous vous demandons une assistance pour le bien de l’ensemble du Canada, de même qu’à titre d’obligation morale découlant de l’injustice passée, mais cette assistance doit être fondée sur cette entente. Si cela peut se produire, nous continuerons de nous engager à respecter un esprit de coopération.

C’est la seule façon d’animer l’espoir d’un lendemain où vous, descendants de ceux qui ont colonisé nos terres, pourrez dire au monde : « Regardez. Nous sommes venus et avons été accueillis, puis, nous avons provoqué un grand désespoir, mais nous sommes également des hommes honorables et intègres et avons entrepris de travailler en coopération, nous avons écouté et appris, nous avons accordé notre soutien et, aujourd’hui, nous vivons en harmonie avec les premiers habitants de ce territoire et ces derniers nous appellent leurs frères. »

Nous espérons que ce lendemain verra le jour.

Le grand chef du Manitoba,

David Courchene

Le Mois de l’histoire des femmes

Hommage à Eliza Brooks

L’honorable Patricia Bovey : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui afin de lire une déclaration au nom de la sénatrice Bernard, que les restrictions liées à la COVID empêchent d’être présente.

Alors que le Mois de l’histoire des femmes tire à sa fin, j’ai l’immense honneur de rendre hommage à la doyenne de la communauté d’East Preston, Eliza Brooks. Le thème de cette année, Grâce à vous, célèbre les femmes et les filles qui ont eu une influence durable sur l’histoire du Canada. Je ne connais aucune autre personne qui, au cours de sa vie, a contribué davantage à notre collectivité qu’Eliza Brooks, dont le 101e anniversaire a été célébré en mai dernier. Mme Brooks demeure une leader communautaire active au sein du Club des aînés d’East Preston et de l’Église baptiste unie d’East Preston, où elle fait partie de la chorale depuis plus de 70 ans.

Mme Brooks incarne brillamment la manière dont les gens d’East Preston se serrent les coudes pour le bien des autres. À 13 ans, après le décès de sa mère, Mme Brooks a dû s’occuper de sa famille. Dans sa jeunesse, elle aidait souvent son père à pelleter la neige de la route, parce qu’il n’y avait pas de services de déneigement. Encore aujourd’hui, Mme Brooks prend part à des activités sociales et civiques, ainsi qu’à des conversations intergénérationnelles où elle partage ses expériences à titre de Néo-Écossaise d’origine africaine. Elle a raconté notamment qu’à l’époque où aucun n’appui n’était offert à l’école ségréguée de sa localité, la collectivité a uni ses efforts pour fournir du bois afin de chauffer la seule salle de l’école durant les rudes hivers. Son courage et sa résilience sont une source d’inspiration pour de nombreuses jeunes femmes.

Honorables collègues, veuillez vous joindre à moi afin de remercier Eliza Brooks, femme remarquable qui, par ses nombreuses contributions, a aidé à façonner et à renforcer la collectivité d’East Preston, en Nouvelle-Écosse.

[Français]

La Colombie-Britannique

Les élections provinciales du 24 octobre 2020

L’honorable Bev Busson : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui dans un esprit de fierté afin de féliciter la population de la Colombie-Britannique de sa participation aux élections provinciales du 24 octobre dernier.

[Traduction]

Le processus électoral est l’expression ultime de nos droits, en tant que citoyens libres, et la confirmation par excellence de la primauté du droit. Je n’ai aucun doute que mes collègues sénateurs se joindront à moi pour célébrer la tenue d’élections libres et justes, indépendamment de leurs résultats.

Samedi dernier, en plein cœur d’une pandémie dangereuse et angoissante, les gens de la Colombie-Britannique ont pris leur devoir civique au sérieux. Ils ont voté en personne et par la poste. Quelque 500 000 bulletins de vote postal ont été reçus, ce qui représente le tiers de tous les votes exprimés. Pour cette raison, le résultat final n’a pas encore été annoncé dans un certain nombre de circonscriptions.

Malgré les conditions difficiles, les élections ont été menées de façon sécuritaire et efficace. Je félicite tous les professionnels d’Elections BC de leur travail exceptionnel.

Si des élections ont pu être tenues en temps de pandémie, c’est notamment grâce au travail admirable de la Dre Bonnie Henry, qui est la médecin en chef de la Colombie-Britannique. Elle a contribué à l’établissement de normes élevées pour la tenue des élections et a aidé les simples citoyens à déterminer la meilleure façon pour eux de faire leur devoir et d’exercer leur droit de vote. Toutefois, elle n’est pas seule. La Dre Henry est appuyée par une superbe équipe qui inclut les adjoints le Dr Brian Emerson et le Dr Martin Lavoie, ainsi que la Dre Danièle Behn Smith, qui se concentre uniquement sur les questions reliées à la santé des Autochtones. De nombreux autres héros ont travaillé dans l’ombre.

En tant que sénatrice de la Colombie-Britannique, j’ai l’honneur de féliciter le premier ministre provincial, M. Horgan, ainsi que tous les chefs de parti et les candidats de cette campagne électorale. Je tiens également à remercier les gens de la Colombie-Britannique de leur forte participation à cet exercice d’expression de la volonté démocratique.

Merci. Meegwetch.


AFFAIRES COURANTES

Le Budget des dépenses de 2020-2021

Dépôt du Budget supplémentaire des dépenses (B)

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le Budget supplémentaire des dépenses (B) de 2020-2021.

L’ajournement

Préavis de motion

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 3 novembre 2020, à 14 heures.

La Loi sur la citoyenneté
La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés

L’honorable Mobina S. B. Jaffer dépose le projet de loi S-215, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté et la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Jaffer, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

Le Sénat

Adoption de la motion tendant à prolonger la durée des déclarations de sénateurs pour le reste de la présente session

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5j) du Règlement, je propose :

Que, nonobstant toute disposition du Règlement, pour le reste de la présente session, la durée normale des déclarations de sénateurs soit de 18 minutes.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

Les Guides du Canada

Projet de loi d’intérêt privé—Dépôt d’une pétition

L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer une pétition de l’organisme Guides du Canada, de la ville de Toronto, dans la province d’Ontario, qui sollicite l’adoption d’une loi privée remplaçant sa loi constitutive par une nouvelle loi qui proroge l’association et qui apporte des changements concernant son administration.


(1420)

PÉRIODE DES QUESTIONS

Les finances

Le déficit fédéral—L’économie

L’honorable Larry W. Smith : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au sénateur Gold.

Le gouvernement fédéral a récemment franchi une étape pour le moins troublante. En date d’aujourd’hui, le Parlement fonctionne depuis 328 jours sans qu’un budget ait été présenté. Le gouvernement de Jean Chrétien détenait autrefois le record avec 315 jours sans budget. Si nous étions dans le monde du football, le gouvernement écoperait une pénalité pour avoir retardé la partie.

Depuis son arrivée au pouvoir en 2015, le gouvernement a laissé les déficits fédéraux atteindre des proportions incontrôlables, et on a maintenant l’impression qu’il invoque la pandémie de la COVID-19 pour se justifier.

Cela dit, pas un seul pays n’est immunisé contre les répercussions de la COVID-19. De nombreux gouvernements ont été en mesure de présenter des budgets tout en prenant des mesures pour lutter contre la pandémie. Je pense notamment à l’Australie, à la Nouvelle-Zélande, à l’Allemagne et à la France, pour ne nommer que ceux-là.

Monsieur le sénateur Gold, quand les contribuables canadiens peuvent-ils s’attendre à ce que le gouvernement dépose un budget fédéral en bonne et due forme?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Comme le gouvernement l’a annoncé dans le discours du Trône et l’a répété plus récemment, le gouvernement offrira aux Canadiens une mise à jour sur la situation financière plus tard cet automne. Le gouvernement continuera d’être transparent et ouvert à propos de ce qu’il sait et ignore sur les perspectives économiques du Canada.

Le sénateur Smith : Avec tout le respect que je vous dois, sénateur Gold, le gouvernement ne devrait pas diriger le pays s’il est incapable de faire deux choses à la fois. La reddition de comptes et la transparence sont essentielles dans une période comme celle-ci. Les gouvernements provinciaux du pays ont déposé des budgets. Pourquoi les autres ordres de gouvernement sont-ils en mesure de lutter contre la pandémie tout en s’acquittant de leurs fonctions normales, mais le gouvernement fédéral n’y parvient pas?

Le sénateur Gold : Le gouvernement du Canada travaille sérieusement et assidûment pour répondre aux besoins des Canadiens durant cette pandémie. Il est capable de faire bien des choses à la fois, dans l’intérêt de tous les Canadiens.

[Français]

La Commission des libérations conditionnelles du Canada

Les droits des victimes d’actes criminels

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. La Charte canadienne des droits des victimes est une loi fédérale qui confère aux victimes d’actes criminels des droits fondamentaux, notamment celui de la participation. Aucun gouvernement ni institution fédérale ne peut se permettre de ne pas les respecter.

Depuis le début de la pandémie, le gouvernement ne cesse de clamer haut et fort qu’il s’occupe de la santé et de la sécurité des Canadiennes et des Canadiens. Pourtant, il a oublié qu’une classe de citoyens, soit les victimes d’actes criminels, n’a pas encore accès à la Commission des libérations conditionnelles du Canada comme il se doit. Je vous rappelle que le ministre de la Sécurité publique, M. Blair, a promis à trois reprises, en avril dernier, que les victimes pouvaient ou pourraient assister par vidéoconférence aux délibérations de la Commission des libérations conditionnelles du Canada.

À ce jour, tout ce que l’on a offert aux victimes d’actes criminels ou à leur famille, c’est de présenter leurs témoignages par téléphone, et j’en ai été témoin. Lundi dernier, j’ai accompagné des membres de la famille de Brigitte Serre, qui a été assassinée à Montréal en 2006, qui ont pris part à des délibérations par téléphone. Quatre victimes ont présenté leur témoignage par téléphone, alors que le criminel était accompagné d’un agent de libération, d’un agent correctionnel, d’une avocate et d’un psychologue. Les victimes étaient laissées à elles-mêmes, au téléphone. Monsieur le leader, malgré les multiples promesses du ministre Blair, pourquoi le gouvernement a-t-il pris huit mois pour promettre encore une fois aux victimes, mardi dernier à la Chambre des communes, que, dès le 9 novembre prochain, ces audiences pourront se tenir par vidéoconférence?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question et de votre dévouement, et je vous remercie également de défendre les droits des victimes dans cet enjeu important.

Le gouvernement du Canada demeure convaincu qu’il est important de faire en sorte que les voix des victimes soient entendues de la façon la plus efficace possible pour qu’elles puissent participer au processus que vous avez si bien décrit.

Comme vous l’avez mentionné, nous avons déjà mis en place les protocoles nécessaires pour que les victimes puissent assister aux audiences par téléphone, et l’on m’a confirmé que le gouvernement est en train d’effectuer des essais et de travailler à l’établissement d’un système de vidéoconférence pour les victimes afin qu’elles puissent participer au processus.

On m’a également avisé que le ministre Blair et la Commission des libérations conditionnelles du Canada, dont j’étais membre, sont en contact avec l’ombudsman des victimes d’actes criminels pour ce qui est de ces nouveaux développements et qu’ils continuent de travailler ensemble à cet égard.

Le sénateur Boisvenu : D’abord, je vous remercie beaucoup de la sympathie dont vous faites preuve envers les victimes. C’est donc la quatrième fois que le ministre promet que les victimes pourront assister à ces délibérations par vidéoconférence.

C’est la quatrième fois que le ministre donne de l’espoir aux familles. Est-ce que vous vous engagez aujourd’hui à ce que, le 9 novembre, si les familles ne peuvent toujours pas assister aux audiences par vidéoconférence, le gouvernement dont vous faites partie leur fasse des excuses?

Le sénateur Gold : Je ne peux pas prendre cet engagement, mais je vais poser la question au gouvernement et vous répondre sous peu.

Le Conseil national de recherches

Le Code national du bâtiment

L’honorable Rosa Galvez : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

[Traduction]

Le dépôt des codes nationaux du bâtiment du Canada était prévu cet automne; cependant, la veille de la date attendue, il a été repoussé au 21 décembre. Ces codes comprendront des modifications fondamentales, un système de codes complet qui facilitera l’élaboration et la mise en œuvre des politiques et des incitatifs qui permettront de réduire l’empreinte carbone de ce secteur. Ce sont des solutions faciles à mettre en place et qui auraient dû l’être il y a longtemps, comme je l’ai recommandé l’an dernier dans mon livre blanc sur ce sujet.

De nombreuses administrations dans le monde, dont celle de la Colombie-Britannique avec son code énergétique par étapes, ont une longueur d’avance par rapport au gouvernement du Canada dans ce domaine. Par conséquent, des codes du bâtiment rigoureux et actualisés devraient être considérés comme des outils indispensables pour proposer des incitatifs aux propriétaires de maison en misant sur des solutions propres et équitables pour bâtir un avenir meilleur, au fur et à mesure que le pays se redressera après la pandémie de COVID-19.

Selon une évaluation de l’organisme Corporate Knights, un investissement de 20 milliards de dollars dans la modernisation des immeubles créerait 170 000 emplois et réduirait nos émissions de près de 10 % par rapport à leurs niveaux actuels.

Sénateur Gold, cette nouvelle décevante a été diffusée tout juste après que des investissements de 2 milliards de dollars ont été annoncés par la Banque de l’infrastructure du Canada pour moderniser de grands immeubles. Comment le gouvernement peut-il continuer d’investir dans la modernisation d’immeubles dans l’espoir d’améliorer leur efficacité énergétique alors que l’ensemble des codes du bâtiment actuels sont désuets ou que leur mise à jour est repoussée?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie, sénatrice, de votre question. Je vais commencer par répondre à la deuxième question et cela me mènera à la première question ou, du moins, à la première partie de votre intervention.

Le gouvernement a affirmé clairement dans le discours du Trône qu’il maintient son engagement à investir dans tous les types d’infrastructures, y compris pour les rénovations éconergétiques, en particulier dans les collectivités nordiques et dans les communautés autochtones.

La révision de 2020 des codes du bâtiment est en cours et, lorsqu’elle sera terminée, les codes — nous l’espérons — pourront donner des indications cohérentes aux provinces et aux territoires pour l’atteinte des cibles du rendement à consommation nette d’énergie zéro. D’ailleurs, on m’a informé que différentes modifications des codes du bâtiment viseront à permettre la réduction des émissions de carbone.

En ce qui a trait aux remarques concernant les retards relatifs aux codes du bâtiment, je crois qu’il est important que les sénateurs réalisent dans quel contexte cette initiative doit être menée.

Les Codes modèles nationaux du bâtiment n’ont pas de statut légal en tant que tel, parce que, selon la Constitution, c’est aux provinces et aux territoires que revient la responsabilité de créer des règlements et de veiller à l’application des codes du bâtiment. Le Conseil national de recherches dirige le système d’élaboration des codes du bâtiment par l’entremise de la Commission canadienne des codes du bâtiment et de prévention des incendies. Les intérêts des provinces et des territoires sont représentés par un comité consultatif, le Comité consultatif provincial-territorial des politiques sur les codes, qui donne des conseils au sujet des orientations stratégiques. C’est un autre exemple de la complexification qu’apporte le fédéralisme à une telle question, en quelque sorte, au sein d’un forum national.

(1430)

On me dit que le report de la mise en œuvre du Code national du bâtiment est entièrement attribuable à la COVID-19. Les mesures de distanciation physique et sociale, qui ont été adoptées pour nous protéger, ont tout simplement ralenti les travaux de recherche et fait en sorte qu’il a été beaucoup plus difficile pour le secrétariat du Conseil national de recherches d’organiser les réunions et les consultations entre les provinces et les territoires qui étaient nécessaires pour réviser le code type.

La sénatrice Galvez : Comme vous l’avez mentionné, en 2016, le gouvernement s’est engagé à élaborer des codes du bâtiment à consommation énergétique nette zéro type d’ici 2030. Les trois années qui se sont écoulées depuis que cet engagement a été pris — 2017, 2018 et 2019 — figurent parmi les cinq années les plus chaudes jamais enregistrées à l’échelle mondiale.

Le gouvernement ne devrait-il pas penser à avancer l’échéance afin de donner aux Canadiens et aux décideurs les outils dont ils ont besoin pour permettre au pays de réduire ses émissions et de respecter ses engagements nationaux et internationaux?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question et de m’en avoir avisé à l’avance. J’ai essayé d’obtenir de l’information à ce sujet, mais je n’ai malheureusement pas encore obtenu de réponse. Dès que j’en saurai plus, j’en informerai mes collègues dans les meilleurs délais.

Les finances

Le soutien aux enfants et aux familles

L’honorable Rosemary Moodie : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

Sénateur Gold, en septembre, UNICEF Canada a publié un rapport sur la situation des enfants au Canada en comparaison avec d’autres pays membres de l’OCDE. Dans ce rapport, le Canada se classe au 30e rang sur 38 en termes de bien-être des enfants, au 28e rang pour ce qui est des dépenses destinées aux enfants et aux familles qui représentent 1,68 % du PIB par rapport à une moyenne de 2,38 % à l’échelle de l’OCDE. La Suisse, l’Australie et la Nouvelle-Zélande figurent parmi les pays qui dépensent davantage que le Canada pour les enfants.

Les intervenants canadiens ont souligné le besoin de congés parentaux et d’un meilleur accès à des services d’éducation et de garde des jeunes enfants dans le cadre d’un vaste ensemble de politiques sociales pour aider les familles canadiennes, notamment les enfants. Cependant, sénateur Gold, de telles politiques ne peuvent être mises en application si le gouvernement ne fait pas les investissements voulus.

Le gouvernement croit-il que le niveau actuel de dépenses pour les enfants est suffisant? Si oui, pouvez-vous nous expliquer pourquoi?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question, madame la sénatrice. Hier, nous avons tous écouté votre intervention avec grand intérêt de même que la motion et le vibrant plaidoyer que vous avez présentés pour défendre la cause des enfants.

Je ne connais pas la position du gouvernement en ce qui concerne les dépenses actuelles à ce chapitre et je ne sais pas non plus ce que représente la contribution du fédéral par rapport à celles des gouvernements provinciaux et territoriaux. Je vais me renseigner et je me ferai un plaisir de vous revenir là-dessus.

La sénatrice Moodie : Sénateur Gold, l’Allocation canadienne pour enfants représente le principal investissement du gouvernement dans les familles et les enfants. Pourtant, elle est insuffisante à bien des égards et a été décrite par de nombreux groupes de défense comme une demi-mesure ou une mesure qui ne va pas assez loin.

Les familles canadiennes peuvent-elles s’attendre à recevoir plus d’aide sous forme d’une bonification de l’Allocation canadienne pour enfants dans le prochain budget? Le gouvernement s’engagera-t-il à protéger les enfants contre les réductions budgétaires qui auront lieu après la pandémie?

Le sénateur Gold : Je vous remercie encore une fois de votre question, madame la sénatrice. En plus de l’allocation particulière dont vous parlez, nous attendons avec intérêt un certain nombre d’initiatives du gouvernement qui continueront à fournir de l’aide aux Canadiens et à leurs familles et, par conséquent, aux enfants de ces familles.

Le gouvernement a clairement indiqué — et a d’ailleurs été critiqué par certains sénateurs pour sa clarté — qu’il fera tout ce qu’il faut pour que les Canadiens, leur famille et leurs enfants traversent cette pandémie du mieux possible et pour que nous puissions nous rétablir en tant que société forte à l’issue de celle-ci.

Les affaires étrangères et le commerce international

Le soutien aux agriculteurs et aux producteurs

L’honorable Robert Black : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

Sénateur Gold, comme l’a fait remarquer hier le sénateur Plett, dans le discours du Trône prononcé en septembre, la gouverneure générale a déclaré encore une fois que le gouvernement a la ferme intention d’offrir aux producteurs laitiers le dédommagement promis pour compenser les pertes subies à la suite des accords commerciaux que le gouvernement a conclus au cours des six dernières années.

Il y a huit mois, le gouvernement avait également promis un dédommagement plein et équitable aux producteurs laitiers. Il avait en outre dit vouloir atténuer l’incidence des accords commerciaux récents en collaboration avec les producteurs et transformateurs laitiers. Ce secteur n’a pas seulement souffert en raison de la pandémie de COVID-19, comme bien d’autres secteurs. Il mérite d’obtenir des réponses à ses questions.

Honorables sénateurs, le gouvernement est bien au fait des défis que doit relever l’industrie laitière. J’ai posé des questions au représentant du gouvernement à ce sujet en février et en décembre derniers. Je n’ai reçu que des réponses différées. Chaque fois, j’avais pourtant fourni mes questions à l’avance au représentant du gouvernement au Sénat dans l’espoir d’obtenir une vraie réponse à celles-ci. Or, le gouvernement ne semble offrir que des platitudes pour réponses.

Sénateur Gold, l’heure n’est plus aux réponses différées. L’industrie laitière a besoin de réponses maintenant. Ma question, aujourd’hui, est la suivante : quand le gouvernement va-t-il enfin s’engager à divulguer le calendrier complet des indemnisations prévues dans l’Accord économique et commercial global et l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste pour les sept prochaines années, ainsi que le montant et la nature des indemnisations prévues aux termes de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique, afin que les agriculteurs et les transformateurs puissent recevoir le soutien dont ils ont besoin pour contrebalancer les effets néfastes de l’AECG et du PTPGP et, plus récemment, de ceux de l’ACEUM?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci, sénateur, de continuer à rappeler régulièrement à l’attention du Sénat et du cabinet de la ministre de l’Agriculture, Mme Bibeau, le sort des agriculteurs et des transformateurs canadiens. Je sais que vous vous souciez d’eux.

J’ai moi aussi demandé à la ministre le calendrier détaillé des paiements que vous demandez, mais je n’ai toujours pas reçu de réponse au sujet de l’échéancier ou de la nature de l’indemnisation complète que doit recevoir l’industrie laitière canadienne.

J’ajouterais qu’outre les investissements mentionnés dans ma réponse au sénateur Plett hier, le Sénat devrait prendre note qu’en 2017, le gouvernement a lancé le Programme d’investissement pour fermes laitières, assorti d’une enveloppe de 250 millions de dollars, et que cette année, il a augmenté de façon permanente la capacité d’emprunt de la Commission canadienne du lait de 200 millions de dollars afin d’aider les producteurs laitiers à gérer leurs surplus pendant la crise de la COVID-19, sans parler du lancement du Programme de récupération d’aliments excédentaires, une initiative de 50 millions de dollars.

J’ai soumis la demande et je vais vous transmettre la réponse dès que je la recevrai.

Le Conseil national de recherches

Le Code national du bâtiment

L’honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, j’ai une question à poser qui fait suite à celle de la sénatrice Galvez concernant le Code national du bâtiment.

Je ne sais pas ce qu’attend le gouvernement actuel ni ce qu’attendait le gouvernement précédent. Les comités du Sénat ont présenté de nombreux rapports. Par exemple, le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts, dans son rapport sur le secteur forestier, a suggéré la réécriture du Code national du bâtiment.

Quel plan cherchent-ils? Les gens leur offrent des idées depuis des années. Ce n’est pas sorcier. La bureaucratie, le gouvernement actuel et le gouvernement précédent ont tous tardé à moderniser le Code national du bâtiment, au détriment des besoins de la population canadienne. Nous sommes en 2020, pas en 1920. Il est donc grand temps de nous doter d’un Code national du bâtiment qui reflète la réalité actuelle du secteur forestier.

Sénateur, je sais que vous n’avez pas directement votre mot à dire, mais lorsque vous communiquerez avec vos collègues du gouvernement, pourriez-vous insister auprès d’eux sur le fait que nous ne pouvons plus nous permettre d’attendre? Beaucoup de sénateurs possèdent une expertise dans le domaine de la construction et seraient heureux de participer au débat. Je vous prie d’avertir vos collègues du gouvernement que le temps presse.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie, monsieur le sénateur. Je vais certainement transmettre le message à mes collègues du gouvernement.

Cependant, je tiens à souligner que le Code national du bâtiment doit être le fruit non seulement de l’expertise qui peut se trouver dans cette enceinte et ailleurs, mais aussi des suggestions et de la participation des municipalités, des provinces et des territoires qui ont la responsabilité constitutionnelle, juridique et démocratique d’élaborer, de mettre en œuvre et d’appliquer ces normes. En effet, la responsabilité ne se limite pas aux provinces, elle concerne également les municipalités et d’autres parties prenantes concernées. C’est un processus complexe qui est inévitable lorsqu’il est question de normes nationales dans des domaines de compétence provinciale. Nous pourrions passer le reste de la période des questions — mais je ne le ferai pas — à énumérer tous les domaines, que ce soit la santé ou les règles relatives aux normes nationales du système juridique.

(1440)

[Français]

Les services publics et l’approvisionnement

Les contrats conclus sans appel d’offres

L’honorable Claude Carignan : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Monsieur le leader, il y a une expression de plus en plus populaire au Québec, et c’est la suivante : « Un chum, c’est un chum. » Elle provient d’un scandale dont vous avez sûrement déjà entendu parler.

Elle m’est venue à l’esprit lorsque j’ai entendu dire que le gouvernement Trudeau avait conclu à toute vitesse, au printemps dernier, un contrat de près d’un quart de milliard de dollars pour acheter à un prix élevé des ventilateurs médicaux fabriqués par l’entreprise d’un ex-député et organisateur libéral de longue date.

En effet, la firme Baylis Medical — dirigée par Frank Baylis, ancien député libéral de l’ouest de Montréal jusqu’en septembre 2019 — a agi à titre de sous-traitante pour produire 10 000 ventilateurs médicaux servant à traiter les patients touchés par la COVID-19. De ce nombre, seuls 2 174 ventilateurs ont été livrés en date du 14 octobre dernier.

La chronologie des événements est troublante. Le 26 mars, Baylis Medical dit avoir été consultée pour la production de ventilateurs. Le 31 mars, FTI Professional Grade est créée par Rick Jamieson. Le même jour, le gouvernement annonce la fin de la période de soumission. Le 11 avril, Ottawa signe un contrat de 237 millions de dollars avec FTI Professional Grade et, le 16 avril, FTI Professional Grade signe un contrat de sous-traitance avec Baylis Medical.

Monsieur le leader, pouvez-vous nous dire combien de fois, dans l’histoire du Canada, le gouvernement a accordé un contrat de 237 millions de dollars à une compagnie qui n’existait que depuis 10 jours?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question, qui a été soulevée à plusieurs reprises à l’autre endroit. Cependant, le fait important à souligner, c’est que le gouvernement du Canada n’a signé aucun contrat avec la compagnie de M. Baylis.

Le sénateur Carignan : Je pense que vous n’avez pas compris ma question. Le contrat est signé avec FTI Professional Grade. Je ne vous ai pas parlé d’un contrat avec Baylis; je vous parle du contrat avec FTI Professional Grade. Cette compagnie n’existait que depuis 10 jours lorsque votre gouvernement lui a donné un contrat de 237 millions de dollars.

Je répète ma question : est-ce qu’il arrive souvent que le gouvernement Trudeau signe un contrat de 237 millions de dollars avec une compagnie qui n’existe que depuis 10 jours?

Le sénateur Gold : Merci d’avoir précisé votre question. Le fait saillant reste tout de même que, devant la crise à laquelle nous faisons face, les besoins des Canadiens et Canadiennes, y compris en matière de vaccins et d’équipement, doivent être comblés par le gouvernement. Celui-ci a agi de manière responsable pour faire en sorte qu’il puisse avoir accès à ce dont les Canadiens ont besoin.

[Traduction]

L’innovation, les sciences et le développement économique

L’accès fiable à Internet haute vitesse

L’honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, ma question porte également sur une question urgente — on dirait qu’elles le sont toutes aujourd’hui — et elle s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Depuis des années, les fournisseurs de services Internet haute vitesse sonnent l’alarme en disant que les investissements ponctuels du gouvernement mettent en péril l’accès fiable à Internet des Nunavummiuts. Le CRTC n’a pas encore attribué de marchés publics relatifs à Internet haute vitesse pour les demandes en suspens au Nunavut. Aujourd’hui, 18 mois après que le budget de 2019 a prévu un investissement indispensable de plus de 1 milliard de dollars pour des services Internet haute vitesse, le gouvernement fédéral n’a pas donné suite à de nombreuses demandes d’investissements ciblés, qui permettraient aux ménages du Nunavut de continuer d’avoir accès à Internet à un prix équitable.

Maintenant, à un moment où les Canadiens du Nord dépendent d’Internet plus que jamais, un fournisseur Internet a annoncé qu’il quittera le territoire d’ici la fin de l’année. Un deuxième fournisseur, qui répond aux besoins de 67 % des ménages du Nunavut à l’extérieur d’Iqaluit, a épuisé ses subventions fédérales il y a des mois. Étant donné qu’il n’y a pas d’autre aide financière, des milliers de ménages risquent de perdre bientôt leur accès Internet ou d’avoir à débourser des sommes astronomiques pour le conserver. Le brouillard et la pluie interrompent le service Internet d’un troisième fournisseur, ce qui coupe régulièrement le territoire du reste du pays et cause des interruptions dans les secteurs du commerce, de l’enseignement et de la santé. C’est arrivé pas plus tard que vendredi dernier, et ce, pendant une journée complète.

Voici ma question, à propos d’un enjeu dont je vous ai déjà parlé, sénateur Gold : quelles mesures concrètes le gouvernement du Canada prendra-t-il pour s’assurer que les Nunavummiuts continuent d’avoir accès à un service Internet fiable et abordable et que les personnes qui utilisent actuellement Internet dans les 24 communautés éloignées de notre région ne perdent pas cet accès?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question, honorable sénateur. Le gouvernement avait déjà reconnu, avant le début de la pandémie, que l’accès à un service Internet haute vitesse fiable et abordable était une nécessité. De nos jours, cela n’a rien d’un luxe : c’est une nécessité pour tous les Canadiens, particulièrement ceux qui vivent en région rurale ou éloignée. Le gouvernement sait qu’il y a beaucoup à faire dans ce domaine.

Je suis heureux que vous m’ayez parlé de cet enjeu, monsieur le sénateur. J’ai ainsi pu envoyer au bureau du ministre la documentation que vous m’aviez gentiment fournie. Le lendemain de notre conversation, j’ai eu l’occasion de parler avec le ministre Bains; il m’a dit qu’il examinait ce dossier très attentivement afin de déterminer comment nous pourrions intervenir.

Le sénateur Patterson : Je vous remercie de votre réponse. Je suis vraiment ravi de poser une question à propos d’un problème urgent pour lequel il n’est pas nécessaire de trouver de nouveaux fonds. Rappelons, en effet, que le CRTC a annoncé le deuxième appel de candidatures concernant le fonds de 750 millions de dollars en novembre 2019, il y a un an. Le même mois, un fonds d’un milliard de dollars était inclus dans le budget fédéral. Cela me porte à croire qu’on dispose de ressources pour répondre immédiatement aux besoins urgents. J’espère que celui qui nous représente au Cabinet soulignera que cet enjeu n’exige pas de trouver de nouveaux fonds.

Le sénateur Gold : Merci. Je veillerai à ce que ce message soit transmis.

Les finances

Le Portrait économique et budgétaire 2020

L’honorable Tony Loffreda : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat et porte sur une question d’une grande importance qui semble constituer le thème de la journée : les moyens de gérer efficacement les finances publiques.

Lundi, le premier ministre a déclaré que la mise à jour économique que le gouvernement entend présenter ne contiendra pas de cibles budgétaires permettant aux Canadiens de connaître les mesures que prend le gouvernement pour plafonner les dépenses, la dette et le déficit publics. De nombreux spécialistes s’entendent pour dire que la présentation de cibles budgétaire comporterait pourtant de nombreux avantages, dont voici quelques exemples : nous pourrions avoir une idée de la rigueur budgétaire dont le gouvernement fait preuve; nous saurions si le Canada a les reins assez solides pour encaisser les chocs économiques à venir et à survivre à une ou plusieurs crises imprévues — sans parler de celle-ci, qui est loin d’être terminée; nous renforcerions la confiance des prêteurs et des marchés mondiaux, ce qui est extrêmement important; et nous créerions un climat favorable aux investissements commerciaux, ce qui l’est tout autant, car les entreprises sont sérieusement mises à mal dernièrement.

Je suis conscient que le pays traverse une pandémie et que de plus en plus de Canadiens comptent sur l’aide de l’État pour joindre les deux bouts et manger trois fois par jour. Pour bon nombre d’entre eux, les diverses prestations d’urgence créées par le gouvernement ont été une véritable bouée de sauvetage, et je suis d’avis que nous devons continuer à soutenir les Canadiens de toutes les manières possibles et chaque fois qu’ils en ont besoin. Cela dit, la plupart des Canadiens sont aussi conscients que le pays a besoin d’un cadre budgétaire pour fonctionner. Personne ne sait combien de temps la pandémie durera ni à quel rythme l’économie nationale s’en remettra.

Sénateur Gold, nombre d’experts et de Canadiens seraient plus rassurés si le gouvernement avait une cible budgétaire et un véritable plan de dépenses, malgré la volatilité de la situation actuelle : un outil, comme j’ai dit à la ministre Freeland lorsqu’elle est venue répondre à nos questions. Nous avons besoin d’un outil dynamique que nous pourrons ajuster.

(1450)

Voici une question et un défi : pouvez-vous exercer une influence sur le gouvernement pour l’encourager à inclure une cible budgétaire dans la mise à jour qu’il présentera sous peu? Cela nous donnerait l’impression d’avoir une orientation, comme le réclament la plupart des experts, et nous permettrait d’effectuer une surveillance efficace des dépenses, tout en continuant d’aider les Canadiens.

Son Honneur le Président : Je suis désolé, sénateur Gold, mais le temps prévu pour la période des questions est écoulé. Vous souhaiterez peut-être fournir une réponse différée.


ORDRE DU JOUR

Éthique et conflits d’intérêts des sénateurs

Deuxième rapport du comité présenté au cours de la première session de la quarante-troisième législature—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Tannas, appuyée par l’honorable sénateur Patterson, tendant à l’adoption du deuxième rapport du Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, intitulé Examen d’un rapport d’enquête du Conseiller sénatorial en éthique, présenté au Sénat le 18 juin 2020, durant la première session de la quarante-troisième législature.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, conformément à l’article 12-30(2) du Règlement, nous ne pouvons pas encore prendre une décision au sujet de ce rapport. À moins qu’un sénateur ne veuille proposer l’ajournement, le débat sera ajourné d’office jusqu’à la prochaine séance du Sénat.

Est-ce d’accord, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(Conformément à l’article 12-30(2) du Règlement, la suite du débat sur la motion est ajournée à la prochaine séance.)

Droits de la personne

Motion tendant à autoriser le comité à examiner les questions concernant les droits de la personne des personnes purgeant une peine de ressort fédéral dans le système correctionnel et à recevoir les documents reçus et les témoignages entendus pendant la première session de la quarante-deuxième législature—Ajournement du débat

L’honorable Kim Pate, conformément au préavis donné le 2 octobre 2020, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des droits de la personne soit autorisé à examiner, afin d’en faire rapport, les questions concernant les droits de la personne des personnes purgeant une peine de ressort fédéral dans le système correctionnel, en tenant compte des lois et des normes nationales et internationales, ainsi que la situation des groupes marginalisés ou désavantagés dans les établissements carcéraux fédéraux, y compris les peuples noirs et autochtones, les personnes racialisées, les femmes et les personnes ayant des problèmes de santé mentale, dès que le comité sera formé, le cas échéant;

Que les documents reçus, les témoignages entendus et les travaux accomplis par le comité à ce sujet au cours de la première session de la quarante-deuxième législature soient renvoyés au comité;

Que le comité soumette son rapport final au plus tard le 30 juin 2021.

— Honorables sénateurs, il y a près de quatre ans, lorsque le sénateur Munson nous a demandé de nous pencher sur l’étude des violations des droits de la personne des détenus dans les pénitenciers fédéraux, il a présenté les choses très clairement. Il a dit : « Il y a un problème à résoudre [...] »

Avec les trop nombreux événements tragiques et inacceptables qui se sont produits l’été dernier, le mouvement Black Lives Matter et les dirigeants autochtones ont appelé le Canada à réparer les torts causés par des siècles de colonialisme et de racisme systémique. Par ailleurs, la grande majorité de la population carcérale et plus de la moitié de femmes détenues dans les pénitenciers fédéraux sont des personnes racisées.

Pire encore, pendant cette pandémie, des prisonniers ont subi pendant des mois des conditions qui violent les protections constitutionnelles à l’égard des peines cruelles et inusitées qui, selon le droit international, équivalent à de la torture.

La Charte du Canada garantit le respect des droits de la personne pour tous. Pourtant, comme l’a révélé le plus récent rapport de l’enquêteur correctionnel et du président du groupe consultatif chargé de surveiller les unités d’intervention structurée, lesquelles devaient servir à remplacer l’isolement cellulaire et préventif, les prisons continuent d’agir comme si ces garanties ne s’appliquaient plus une fois dans la prison et ne pouvaient jamais s’appliquer à l’intérieur de ses murs, alors que les dispositions législatives à cet égard sont claires.

Les Canadiens ont le droit de savoir quelles mesures le gouvernement et les organismes d’État prennent en leur nom avec les deniers publics. Ils ont également le droit de savoir quand les mêmes organismes enfreignent la loi et violent les droits de la personne. Dans l’intérêt public, notamment pour la sécurité publique, il nous incombe de faire enquête, de dénoncer les violations de la loi et des droits de la personne et d’y remédier.

Les détenus dont les droits de la personne sont violés dans les pénitenciers fédéraux sont confrontés à un énorme défi pour faire entendre leur voix. En tant que sénateurs, nous sommes parmi les rares intervenants qui ont un droit d’accès en vertu de la loi. Les droits sont assortis de responsabilités. Dans ce contexte, une trentaine d’entre nous ainsi que les membres du Comité des droits de la personne ont pris cette responsabilité très au sérieux et ont travaillé avec diligence pour examiner les conditions de confinement et le respect des droits de la personne des détenus sous responsabilité fédérale.

Après avoir consulté bon nombre de ceux qui ont participé à cette étude lors de la dernière législature, j’exhorte aujourd’hui les sénateurs à faire en sorte que nous terminions notre travail.

Pendant plus de deux ans, le comité a entendu plus de 100 témoins, visité 30 pénitenciers d’un bout à l’autre du Canada et rencontré des détenus, des membres du personnel et de l’administration, pour finalement publier un rapport intérimaire.

Le rapport en question contient des témoignages profondément troublants présentés par des détenus et des membres du personnel correctionnel ainsi que par des représentants d’organismes de surveillance et de la société civile faisant état de violations ponctuelles et systémiques des droits de la personne. Le plus préoccupant, c’est que ces problèmes étaient récurrents dans toutes les prisons du pays.

(1500)

Voici ce qu’on peut lire dans le rapport :

[...] le comité a appris que l’accès aux soins de santé est inadéquat, que l’accès à une libération graduelle et structurée est insuffisant, que les programmes correctionnels sont déficients, que les conditions d’isolement sont mauvaises, que l’accès aux mesures correctives est limité et que la qualité et la quantité de la nourriture sont réellement inférieures aux normes.

Nombreux sont les témoins ayant fait valoir que les politiques du SCC créent souvent de la discrimination envers certaines personnes en raison d’être autochtone, de leur race, de leur sexe, de leur handicap, de leur état de santé mentale, de leur ethnicité, de leur religion, de leur âge, de leur langue, de leur orientation sexuelle et de leur identité sexuelle.

C’est particulièrement vrai en ce qui concerne les bispirituels, les lesbiennes, les gais, les bisexuels ainsi que les personnes transgenres, en questionnement et queers.

À la suite de la publication du rapport intérimaire, le comité a cherché à en savoir davantage sur « les groupes marginalisés et vulnérables, les normes internationales, l’isolement » et d’autres formes de ségrégation, « l’accès à la justice ainsi que la réadaptation et la réinsertion ».

Lorsque le Parlement a mis fin à ses travaux en vue des élections fédérales de 2019, il ne restait plus au comité qu’à rédiger son rapport final. Malheureusement, comme nous n’avons pas obtenu la permission de compléter cette tâche pendant l’été, le travail du comité n’est pas terminé.

Même si les efforts requis pour terminer ce rapport final sont minimes, les répercussions de cet inachèvement sont importantes : des années de ressources investies et d’efforts entrepris au nom des Canadiens, d’innombrables heures de témoignages et d’expériences personnelles, autant de la part de membres du personnel que de détenus, qui soit travaillent dans le but de parvenir à un système qui fait respecter la primauté du droit et les droits de la personne, soit espèrent que cela se réalise.

Beaucoup de gens attendent le rapport final. Justement, cette semaine, les travaux du comité ont été présentés dans un reportage du Globe and Mail sur le racisme systémique lié au système de classement selon le niveau de sécurité employé par le Service correctionnel du Canada.

Le rapport provisoire a également servi à nos débats, plus particulièrement sur le projet de loi C‑83. Il a été utilisé dans des exposés sur les droits de la personne donnés par des membres du comité au Canada et devant des organismes internationaux, dont l’Union interparlementaire et d’innombrables forums. Nous ne devons pas abandonner ces travaux importants, mais les mener à bien.

Ce qui est prévu dans cette motion n’exige pas énormément de temps et de ressources. À mon humble avis, il s’agirait simplement de mettre à jour l’ensemble des données recueillies par le comité pendant la dernière législature, plus particulièrement pour tenir compte de la mise en œuvre du projet de loi C‑83 et des effets de la COVID‑19 dans les pénitenciers fédéraux.

Cela permettrait en outre au Sénat de participer à des discussions d’importance nationale sur la façon de remédier au racisme systémique que, comme l’a souligné la sénatrice Bernard, les prisons créent et enracinent.

Comme l’absence de transparence et de reddition de comptes qui règne dans le système correctionnel attire de plus en plus l’attention, le comité pourrait fournir une information précieuse aux Canadiens avec seulement deux audiences de plus.

Nous devons nous intéresser de près aux constatations et aux expériences d’un groupe consultatif nommé par le ministre de la Sécurité publique pour surveiller, pendant un an, la mise en œuvre des unités d’intervention structurée prévues par le projet de loi C‑83.

Cette semaine, le groupe d’experts a rendu publique une analyse des données recueillies par le Service correctionnel Canada sur l’isolement des détenus, et a signalé, chers collègues, que nul autre que le Service correctionnel Canada l’a empêché de remplir son mandat.

Chers collègues, soyons clairs sur ce que tout cela signifie. Pendant la période hors du commun que nous traversons actuellement à cause de la pandémie, et dans le contexte d’une nouvelle mesure législative d’une importance internationale, les prisons fédérales isolent les détenus sans qu’aucune surveillance ne soit pratiquement exercée.

Les données recueillies par les conseillers ministériels à la fin de la semaine dernière révèlent une réalité choquante : seuls 5 % des détenus placés dans des unités d’intervention structurée bénéficient d’un contact humain significatif, ou ont droit au temps hors cellule que le projet de loi C‑83 avait promis afin d’empêcher les effets profondément préjudiciables de l’isolement cellulaire, de même que le caractère inconstitutionnel de cette pratique. C’était en effet une réalité bien avant la COVID‑19, mais lorsque la pandémie a frappé, cette situation a empiré.

Plutôt que de suivre l’orientation du ministre ou les conseils d’un nombre incalculable de professionnels de la santé, le Service correctionnel du Canada a choisi par défaut la méthode la plus oppressive. Il a mis non seulement un terme à la totalité des programmes, services et mesures de soutien, il a aussi détenu illégalement des personnes qui avaient obtenu une libération conditionnelle. En outre, les mesures de confinement ont fait en sorte que presque tous les détenus dans les pénitenciers fédéraux ont été placés dans des situations assimilables à l’isolement cellulaire. Tout cela alors que le projet de loi C‑83 était censé interdire de telles pratiques.

La pratique répandue et en apparence non encadrée de l’isolement démontre le non-respect des lois et des normes en matière de droits de la personne. Nous devrions donc examiner la proposition de M. Doob qui vise à mettre en place un mécanisme de surveillance externe permanent au sein de l’agence. C’est d’ailleurs ce que le Sénat avait proposé dans le cadre d’amendements au projet de loi C‑83 : un système de surveillance judiciaire des décisions prises par le Service correctionnel du Canada lorsque celles-ci ont une incidence sur les droits des prisonniers. Cet amendement fait partie d’une série d’amendements que le gouvernement avait rejetée. Avec le recul, nous pouvons constater qu’il s’agissait d’une erreur.

Il n’est donc pas étonnant que le Service correctionnel du Canada se montrait réticent à rendre les données publiques. Il n’est guère étonnant que les universitaires comme Mme Emma Cunliffe continuent d’exhorter les juges à examiner de manière rigoureuse l’information communiquée par les autorités correctionnelles.

Le rapport provisoire du Comité sénatorial permanent des droits de la personne était un premier pas formidable et regorge de témoignages d’une importance cruciale. Chers collègues, déterminons le travail et terminons cette étude vitale. Meegwetch. Merci.

L’honorable Pierrette Ringuette (Son Honneur la Présidente suppléante) : Sénatrice Pate, accepteriez-vous de répondre à une question?

La sénatrice Pate : Certainement.

L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Sénatrice Pate, je vous remercie beaucoup de tout le travail que vous et le comité avez accompli sur cette question. Il serait très utile pour nous de savoir combien d’années le comité a passées sur ce sujet et combien de temps que vous demandez pour terminer le rapport. D’après ce que j’ai entendu, vous demandiez un délai très court pour produire ce rapport très important. Est-ce exact?

La sénatrice Pate : Merci beaucoup, sénatrice Jaffer. Oui, en effet. En décembre, cela fera quatre ans que le sénateur Munson a proposé que l’étude soit menée, et le comité a travaillé sur cette étude pendant plus de deux ans. D’autres études ont également été réalisées.

À mon humble avis, j’estime qu’une ou deux séances seraient nécessaires pour mettre à jour les témoignages et ensuite le rapport pourrait être achevé.

(Sur la motion du sénateur Dalphond, au nom de la sénatrice Bernard, le débat est ajourné.)

Le Sénat

Motion tendant à exhorter le gouvernement du Canada à condamner l’agression de la Turquie et de l’Azerbaïdjan contre la République d’Artsakh—Ajournement du débat

L’honorable Leo Housakos, conformément au préavis donné le 27 octobre 2020, propose :

Que le Sénat du Canada exhorte le gouvernement du Canada à condamner immédiatement l’agression de la Turquie et de l’Azerbaïdjan contre la République d’Artsakh, à maintenir l’interdiction d’exporter du matériel militaire vers la Turquie, à reconnaître le droit inaliénable de la République d’Artsakh à l’autodétermination et, à la lumière de l’intensification continue des conflits et du ciblage d’innocents civils arméniens, à reconnaître l’indépendance de la République d’Artsakh.

— Honorables sénateurs, j’ai suivi avec une grande inquiétude le conflit actuel dans la République d’Artsakh, que certains d’entre vous la connaissent peut-être sous le nom de République du Nagorno-Karabakh.

Le 27 septembre, l’Azerbaïdjan a lancé une nouvelle offensive contre la République d’Artsakh le long de toute la ligne de front. Ce grave conflit survient deux mois après que l’Azerbaïdjan eut attaqué l’Arménie en juillet de cette année, causant un nombre considérable de morts, et eut menacé de bombarder une centrale nucléaire de l’Arménie. Depuis le début des hostilités, trois tentatives de cessez-le-feu ont été orchestrées par la Russie, la France et les États-Unis — les 10, 18 et 26 octobre respectivement.

(1510)

Chaque fois, bien que l’Arménie ait entièrement respecté les termes de cette trêve, l’Azerbaïdjan les a violés — indiquant clairement qu’il n’est pas disposé à trouver une solution pacifique au conflit.

Les attaques de l’Azerbaïdjan contre des régions et des civils pacifiques, très loin de la ligne de front, et les bombardements des principales villes et localités constituent des crimes de guerre flagrants et suscitent l’indignation générale.

Chers collègues, selon les rapports officiels, les pertes civiles et militaires augmentent, notamment à cause d’éléments technologiques canadiens installés sur des drones turcs. L’infrastructure civile a été considérablement détruite, notamment la cathédrale principale de Stepanakert, ainsi que du matériel humanitaire de première nécessité.

Par surcroît, la République de Turquie ne fait qu’exacerber la situation en fournissant un appui militaire à l’Azerbaïdjan et en envoyant des mercenaires djihadistes étrangers prêter main-forte à l’armée azerbaïdjanaise. Il s’agit de toute évidence d’une violation du droit international, inadmissible de la part d’un allié de l’OTAN, qui doit être condamnée immédiatement et le plus vigoureusement possible.

Quiconque s’intéresse au président Erdogan, à son régime autoritaire et à l’attitude de plus en plus belliqueuse de la Turquie ces derniers temps, tant à l’échelle nationale que dans les régions de la Méditerranée, de la Baltique et du Moyen-Orient, ne peut se surprendre de l’intervention de la Turquie dans ce conflit.

Ce qui m’inquiète le plus est que cette agression se poursuit dans l’indifférence du monde occidental démocratique — dont le Canada fait partie. Elle ne fait qu’enhardir davantage Erdogan et encourager ses aspirations panturquistes en Asie Mineure.

Nous avons pu le voir quand il a transformé Sainte-Sophie en mosquée, en violation et mépris flagrants des lois internationales. Des mois se sont écoulés depuis, sans aucune conséquence. Nous le voyons dans le refus de la Turquie de respecter les eaux souveraines de la Grèce et de Chypre, où elle continue de faire fi des déclarations de l’ONU depuis des années, menaçant de déclencher la guerre contre ses voisins dans la Méditerranée.

Depuis deux semaines, on a des preuves accablantes que l’Azerbaïdjan utilise les drones de combat Bayraktar TB2 fabriqués en Turquie. C’est là que nous sommes concernés, chers collègues. La semaine dernière, nous avons pu voir des images d’un représentant de la défense de l’Arménie montrant des pièces de certains de ces drones, qui avaient été abattus. Ce qui est vraiment inquiétant pour nous, à juste titre, est le fait que ces drones sont non seulement équipés d’une technologie de détection de cibles fabriquée au Canada par L3Harris WESCAM, mais aussi — nous le savons maintenant — du moteur Rotax, qui est fabriqué par la filiale autrichienne du fabricant canadien Bombardier.

Mais, chers collègues, comment est-ce possible puisque le Canada a interdit les exportations de technologies de défense vers la Turquie en octobre de l’an dernier après que cette dernière ait eu envahi le nord de la Syrie et qu’il a renouvelé cette interdiction en avril dernier?

Les pièces de moteur fabriquées en Autriche et soumises à la réglementation de ce pays pouvaient faire l’objet d’une échappatoire. Mis au courant de l’usage probable de moteurs d’aéronefs dans le conflit azerbaïdjanais, Bombardier — et c’est tout à son honneur — a fait preuve de responsabilité en en suspendant la livraison aux pays susceptibles d’en faire un usage douteux.

Qu’en est-il de la technologie de ciblage? Je félicite le ministre des Affaires étrangères du Canada, M. Champagne, qui a annoncé au début du mois que le Canada suspendrait les permis d’exportation de technologie de ciblage en Turquie, mais pourquoi ces permis d’exportation ont-ils été accordés en premier lieu? Chers collègues, qu’est-il arrivé à l’interdiction initiale?

Il se trouve que des exemptions à l’interdiction actuelle avaient été accordées. À mon avis, les parlementaires et les Canadiens doivent savoir pourquoi cette exemption a été accordée et par qui.

La semaine dernière, un comité de la Chambre des communes a été incapable d’obtenir des réponses claires d’un haut fonctionnaire. Néanmoins, nous savons que, en avril dernier et au début du mois, le premier ministre Trudeau a parlé au président Erdogan au sujet de ces exportations lors d’un appel téléphonique. Le premier ministre a-t-il conclu avec le président Erdogan un accord dont nous ignorons l’existence? Le cas échéant, cette situation se répétera-t-elle?

Il est absolument essentiel que le Canada ne conclue aucune autre vente avec la République turque et qu’il respecte rigoureusement la décision du gouvernement de suspendre les exportations sans que personne s’ingère dans cette affaire, pas même le premier ministre.

Les Canadiens méritent l’assurance que M. Trudeau ne fera pas d’autres exceptions en faveur du président Erdogan. L’interdiction d’exporter des technologies militaires offensives et agressives — encore utilisées aujourd’hui pour commettre un génocide et des crimes contre l’humanité — vers la Turquie doit être maintenue, point final; c’est non négociable, il n’y a pas d’exception.

Le gouvernement doit également réagir de manière appropriée à la situation, il doit la dénoncer. Depuis le début du conflit dans les années 1990, le Canada et la communauté internationale se sont abstenus de condamner en termes clairs l’agression de l’Azerbaïdjan, l’encourageant à lancer des attaques, même pendant la pandémie mondiale actuelle.

Le premier ministre Justin Trudeau et le ministre Champagne doivent condamner sans équivoque les agressions ainsi que dénoncer les crimes odieux et les violations du droit international commis par l’Azerbaïdjan avec l’aide de la puissance et du soutien militaires de la Turquie.

Le Canada doit le faire non pas pour des raisons politiques, mais parce que cela est juste. Ce que nous observons actuellement ressemble à la réponse du gouvernement Trudeau à l’agression croissante de la Chine, que ce soit à l’égard de Hong Kong ou des musulmans ouïghours, à l’intimidation de Taïwan, à l’agression militaire dans la mer de Chine méridionale ou à la détention illégale de Michael Kovrig et Michael Spavor.

Le premier ministre Trudeau ferme les yeux sur ce qui se passe, accordant la priorité aux intérêts commerciaux, et Dieu sait quoi encore, plus qu’à toute autre chose. Cette attitude ne fait qu’encourager les agissements tyranniques de présidents comme Xi Jinping et Erdogan. C’est ce que nous constatons un peu partout dans le monde : des tyrans et des agresseurs qui ont systématiquement recours au pouvoir économique pour échapper aux conséquences de ce qui devrait être considéré comme des crimes contre l’humanité.

Le peuple arménien souffre depuis trop longtemps sous le joug de la Turquie et de l’Azerbaïdjan et, en tant que leaders du monde occidental et gardiens de nos valeurs communes que sont la démocratie, la justice et les droits de la personne, nous ne pouvons pas demeurer les bras croisés et laisser des régimes dictatoriaux meurtriers commettre encore un autre génocide juste devant nos yeux. Trop de fois par le passé, les pays démocratiques n’ont pas dit un mot et leur Parlement respectif ont fait semblant de ne rien voir.

Pendant des milliers d’années, la République d’Artsakh a fait partie intégrante de l’histoire de l’Arménie et elle n’a jamais fait partie de l’Azerbaïdjan indépendant. La seule raison pour laquelle l’Azerbaïdjan revendique le territoire de la République d’Artsakh est le fait que le dictateur soviétique Joseph Staline l’avait volée aux Arméniens pour la remettre aux mains des Azerbaïdjanais, tout comme il l’avait fait avec le Nakhitchevan, l’autre région arménienne enclavée à l’ouest, dans le cadre de la stratégie de l’URSS communiste qui reposait sur le principe de diviser pour conquérir.

Dans les derniers jours de l’Union soviétique, les Arméniens pacifiques de l’Arménie et de l’Artsakh ont demandé la réunification de l’Artsakh avec l’Arménie. Plus tard, ils ont revendiqué le droit fondamental à l’autodétermination et à l’indépendance pour l’Arménie, qu’ils ont obtenu au moyen d’un référendum légal et démocratique, conformément au droit international. Les nationalistes azéris ont réagi en commettant des massacres et des pogroms à Sumqayit, en Azerbaïdjan, au cours desquels d’innocents hommes, femmes et enfants arméniens ont perdu la vie. Cette campagne de nettoyage ethnique menée par les forces azéries contre les Arméniens a établi un précédent qui hante encore les gens aujourd’hui et qui a servi à justifier par la suite des crimes contre l’humanité, y compris le pogrom de Bakou perpétré en 1990 et la campagne haineuse de nettoyage ethnique commanditée par l’État qui a été menée contre les Arméniens en Azerbaïdjan et qui continue encore aujourd’hui.

Qu’on ne s’y trompe pas : si la guerre en cours se poursuit et que l’armée azerbaïdjanaise, appuyée par l’armée turque, ainsi que des mercenaires djihadistes étrangers parviennent à la République d’Artsakh, un deuxième génocide de la population arménienne aura lieu.

Ce sont des faits, pas des suppositions ni des conjectures. Ce sont des signaux d’alerte et des avertissements à l’intention de la communauté internationale. Le président Erdogan, de la Turquie, et le président Aliyev, de l’Azerbaïdjan, se servent depuis longtemps d’une rhétorique toxique. Ils jurent qu’ils sont déterminés à finir le génocide inachevé perpétré par leurs ancêtres turcs ottomans contre les Arméniens, les Grecs, les Pontiens et les Assyriens. Ce n’est pas moi qui le dis, mais bien les ministres actuels du gouvernement Erdogan, en Turquie. Ce sont des propos qui, en 2020, sont odieux et dégoûtants.

Les gestes que pose le Canada sur la scène mondiale doivent être guidés par un profond respect de nos valeurs et de nos principes, et non par une approche « deux poids, deux mesures », un opportunisme politique, ou les bénéfices des entreprises et les pressions qu’elles exercent. Nous ne pouvons pas laisser les intérêts économiques et l’influence des puissances étrangères dicter notre réaction devant des enjeux porteurs d’une telle menace.

Les paroles et les gestes du Canada doivent refléter la réputation bien ancrée qui est la sienne, celle d’un artisan et d’un gardien de la paix. Dans cette optique, il convient avant tout de savoir bien distinguer les agresseurs des victimes innocentes et pacifiques.

Depuis le cessez-le-feu négocié à l’échelle internationale en 1994, l’Azerbaïdjan n’a cessé de le violer, ce qui remet sérieusement en question son engagement envers la paix et la stabilité dans la région. De plus, Bakou refuse constamment les demandes de la communauté internationale visant à permettre l’installation de dispositifs de surveillance le long de sa ligne de contact avec la République d’Artsakh.

D’autre part, l’Arménie et l’Artsakh ont toujours milité pour l’installation de ces dispositifs de repérage des tirs, comme moyen de renforcer la confiance et de décourager la violence.

(1520)

L’agresseur dans ce conflit ne fait pas l’ombre d’un doute. Comme le président français Macron l’a déclaré il y a quelques semaines, les actions de l’Azerbaïdjan sont inacceptables. Les gouvernements doivent comprendre que les déclarations neutres et bien ficelées invitant les parties à s’abstenir d’user de la force ne feront qu’encourager l’Azerbaïdjan à poursuivre ses attaques barbares.

Soyons clairs et ne mâchons pas nos mots. Traçons la voie d’une action décisive. Certes, le gouvernement prend certaines mesures pour faire ce qui s’impose, mais je ne saurais trop insister sur l’importance pour le gouvernement de se situer du bon côté de l’histoire en ce qui concerne ce conflit et tous les autres problèmes de l’humanité, notamment le droit des nations à l’autodétermination.

Il faut à tout prix maintenir l’interdiction des exportations militaires en Turquie. Le Canada doit faire tout en son pouvoir pour collaborer avec les partenaires étrangers et les organismes internationaux afin de condamner et contenir les agresseurs, et d’établir une paix durable dans la région. Autrement, la Turquie et l’Azerbaïdjan continueront assurément leurs attaques et déclencheront une guerre régionale qui aura sans doute de graves conséquences pour la communauté internationale.

Nous devons nous engager à protéger les droits inaliénables des Arméniens qui vivent en République d’Artsakh, y compris le droit à l’autodétermination. Il s’agit de gens pacifiques qui n’ont rien de belliqueux et nous devons leur donner l’occasion de choisir eux-mêmes de quoi leur avenir sera fait. La seule façon de dénouer ce conflit de manière durable, c’est en défendant le droit à l’autodétermination de la République d’Artsakh et en la reconnaissant comme un État libre et souverain. C’est le seul moyen d’empêcher que le climat de violence ne dégénère encore plus dans la région et que d’autres conflits n’éclatent ailleurs dans le monde.

Le temps est venu pour le Canada de se tenir debout et d’agir. Le temps est venu pour les parlementaires canadiens de prêter l’oreille, car si nous ne le faisons pas maintenant, au début du conflit, nous nous retrouverons avec un autre Kosovo sur les bras. C’est quand on ferme les yeux sur les conflits que les pages du grand livre de l’humanité se couvrent d’histoires d’horreur et de nettoyage ethnique. Si l’histoire se répète cette fois-ci, ce sera parce que nous aurons détourné le regard. Quand il y a un accord commercial à la clé, les puissances moyennes, dont le Canada, et les superpuissances ont souvent tendance à s’enfoncer la tête dans le sable, même si le prix à payer se compte en vies humaines.

Honorables sénateurs, la région de l’Artsakh — ou, comme l’appellent les Azerbaïdjanais, le Nagorno-Karabakh — compte 150 000 habitants et elle est occupée par des chrétiens de langue arménienne depuis des siècles. Dernièrement, elle a organisé un référendum qui a été reconnu légalement par les autorités, comme je l’expliquais plus tôt, à l’issue duquel ses habitants ont voté massivement pour l’autodétermination et l’indépendance. Dans toute l’humanité, il n’y a rien qui mérite plus d’être défendu que la démocratie. Notre existence doit être consacrée à ce but, et nous devons le défendre.

Dans ce cas particulier, la situation ressemble au combat de David contre Goliath, puisque 10 millions d’Azerbaïdjanais essaient d’écraser 150 000 Arméniens avec l’aide d’une superpuissance de la région, la Turquie. Ils emploient tous les moyens militaires et politiques à leur disposition simplement pour repousser les Arméniens comme les Turcs l’ont fait sans raison pendant des siècles.

Je pense qu’il y a là pour le Sénat une occasion de défendre des principes et des valeurs comme la démocratie, les droits de la personne et la primauté du droit, et de faire comprendre essentiellement que la République d’Artsakh — le Nagorno-Karabakh — devrait avoir le droit de s’autodéterminer sans ingérence de la part de l’Azerbaïdjan, de la Turquie, de la Russie ou de qui que ce soit d’autre, car la démocratie et la primauté du droit doivent l’emporter.

Je pense que c’est important, honorables collègues. Nous devons agir dans les prochaines semaines, car si nous ne dénonçons pas la situation, comme certains parlementaires le font en France et aux États-Unis, et si le Canada ne participe pas à ce débat et ne se range pas du bon côté de l’histoire, alors c’est avec beaucoup de honte que nous parlerons de ce nettoyage ethnique dans quelques années. Merci beaucoup, honorables collègues.

Son Honneur la Présidente suppléante : Sénateur Housakos, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Housakos : Absolument.

L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Sénateur Housakos, merci beaucoup de votre exposé. J’ai trouvé très intéressant d’entendre ce que vous aviez à dire sur le sujet.

J’aimerais vous poser deux questions. D’abord, vous avez parlé des victimes civiles. C’est un dossier que vous connaissez bien. Pouvez-vous nous donner une meilleure idée des victimes? Je ne suis pas en train d’essayer de minimiser la situation. Je cherche seulement à savoir de quelles victimes vous parlez.

Son Honneur la Présidente suppléante : Sénateur Housakos, avant de vous laisser répondre à la question, je dois vous dire que votre temps de parole est presque écoulé. Demandez-vous cinq minutes supplémentaires?

Le sénateur Housakos : Je demande au Sénat de m’accorder cinq minutes supplémentaires.

Son Honneur la Présidente suppléante : Est-ce d’accord?

Des voix : D’accord.

Le sénateur Housakos : Sénatrice Jaffer, dans un conflit de cette nature, les médias ont tendance à parler davantage des victimes civiles que des militaires qui perdent la vie. À mon avis, toutes les victimes de la guerre, qu’il s’agisse d’hommes, de femmes, ou d’enfants, sont à déplorer.

Évidemment, les deux camps font des affirmations qui sont très difficiles à confirmer à distance. Nous savons toutefois une chose : le camp azerbaïdjanais a pris des mesures musclées pour que les médias n’aient pas librement accès à la région où se déroule le conflit. Le camp arménien a fait tout ce qu’il pouvait pour protéger les médias, pour leur permettre d’accéder à ces zones de conflit et pour révéler au monde le plus de renseignements possible sur les diverses attaques qui sont commises par le camp azerbaïdjanais, en ce qui concerne les technologies utilisées, les emplacements et le nombre de victimes.

Comme je l’ai dit, il est difficile de confirmer le nombre exact de victimes et, sur ce nombre, combien sont des civils et combien sont des combattants. Cependant, le conflit a lieu dans une région de 150 000 habitants, dont 97 % ou 98 % sont d’ethnie arménienne. Il est absurde que l’Azerbaïdjan, un pays indépendant de 10 millions d’habitants, revendique un territoire où la vaste majorité de la population a indiqué clairement qu’elle souhaitait l’indépendance. Les gens là-bas ne veulent faire partie ni de l’Azerbaïdjan ni de l’Arménie. Ils souhaitent leur indépendance. Je pense qu’il devrait être facile pour des parlementaires d’un pays démocratique de le comprendre. Il n’est pas question ici d’un conflit entre une multitude de communautés ethniques qui vivent ensemble dans une même région et ont du mal à s’entendre, mais d’une puissance étrangère qui, avec l’aide de quelques autres puissances étrangères, empiète sur la volonté d’autodétermination d’une entité.

La sénatrice Jaffer : Puis-je poser une autre question?

Le sénateur Housakos : Bien sûr.

La sénatrice Jaffer : Monsieur le sénateur, le Canada est reconnu, entre autres, pour ses missions de maintien de la paix. J’ai moi-même été envoyée du Canada pour la paix. Ne croyez-vous pas que nous pourrions suggérer, dans le cadre de vos discussions sur le sujet, que le Canada intervienne dans le conflit et qu’il amène les parties à négocier la paix?

Le sénateur Housakos : Sans contredit. Cependant, pour rétablir la paix, il faut que les deux parties y soient disposées. Rien qu’au cours des dernières semaines, nous avons eu trois occasions dans le cadre des cessez-le-feu négociés sous la direction des États-Unis, de la Russie et d’autres dirigeants internationaux. C’est l’Azerbaïdjan qui fait fi de ces appels à la paix et à la conclusion d’un cessez-le-feu.

De plus, si l’on compare les ressources des deux parties impliquées dans ce conflit, l’Azerbaïdjan a une capacité écrasante, tant sur le plan militaire que sur le plan des drones. L’Arménie n’a pas ce genre de ressources à sa disposition. Elle ne peut se défendre seule. Ces 150 000 personnes qui réclament l’indépendance ne peuvent se défendre elles-mêmes. Elles n’ont pas les ressources voulues pour le faire.

Allons-nous prendre position? Par exemple, la Russie et la Turquie participent pour des raisons géopolitiques en appuyant une partie et en contribuant à son armement. Pendant ce temps, nous sommes en mode apaisement, soutenant qu’il faut conclure une entente pacifique. Beaucoup de gens pensaient pouvoir apaiser Hitler à la Seconde Guerre mondiale. Or, on peut seulement rétablir la paix quand on a des négociations et un dialogue avec des personnes qui ne sont pas des tyrans et qui sont raisonnables. En l’occurrence, tout ce que nous voyons du côté turco-azerbaïdjanais n’est pas raisonnable. En fait, cette partie fait preuve d’une grande agressivité et continue d’intensifier son intervention militaire. Grâce à nos alliés, nous avons maintenant des preuves médiatiques que la Turquie envoie des mercenaires djihadistes dans cette zone de conflit depuis la Syrie et la Libye. C’est abominable et inacceptable, et nous devons le dénoncer.

(Sur la motion du sénateur Boehm, le débat est ajourné.)

[Français]

Le Sénat

Motion concernant la composition des comités—Débat

L’honorable Raymonde Saint-Germain, conformément au préavis donné le 27 octobre 2020, propose :

Que, pour le reste de la présente session et nonobstant toute disposition du Règlement ou pratique habituelle :

1.le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense soit composé de 12 sénateurs, sans compter les membres d’office;

2.le Comité de sélection, le Comité du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement et le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration aient le pouvoir d’élire jusqu’à trois vice-présidents;

3.tous les autres comités, à l’exception du Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs et les comités mixtes, aient le pouvoir d’élire deux vice-présidents;

4.dans le cas où un comité élit plus d’un vice-président :

a)la mention de vice-président à l’article 12-18(2)b)(ii) du Règlement vaille mention de tous les vice-présidents agissant de concert;

b)la mention de vice-président à l’article 12-23(6) du Règlement vaille mention d’un seul vice-président agissant individuellement;

c)la mention de vice-président d’un comité dans une politique ou des lignes directrices adoptées par le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration vaille mention de tous les vice-présidents agissant de concert, jusqu’à ce que le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration en décide autrement;

5.le Comité de sélection soit un comité permanent;

6.le Comité de sélection soit autorisé à proposer des recommandations au Sénat sur toute question reliée aux séances du Sénat ou des comités par vidéoconférence ou téléconférences, à la coordination de telles réunions et aux mesures qui pourraient faciliter ou augmenter leurs opérations;

7.dans le cas où un comité du Sénat met sur pied un Sous-comité du programme et de la procédure, deux membres du sous-comité soient autorisés à instruire le greffier du comité de convoquer une réunion du comité aux fins d’examen d’un projet d’ordre du jour en lui faisant parvenir une lettre signée, sur réception de laquelle le greffier convoquera une réunion du comité à l’heure de la prochaine réunion du comité, au cours d’une semaine où le Sénat siège, conformément au calendrier convenu qui est plus de 24 heures après la réception de la lettre;

8.sauf dans le cas du Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs :

a)sous réserve de l’alinéa b), si un sénateur cesse d’être membre d’un parti reconnu ou d’un groupe parlementaire reconnu particulier, pour n’importe quelle raison, il cesse simultanément d’être membre de tout comité dont il est à ce moment membre, le siège vacant étant pourvu par le leader ou le facilitateur du parti ou du groupe auquel le sénateur appartenait, en suivant le processus établi à l’article 12-5 du Règlement;

b)si un sénateur cesse d’être membre d’un parti reconnu ou d’un groupe parlementaire reconnu parce que ce parti ou groupe cesse d’exister, il demeure membre de tout comité auquel il appartenait, sous réserve de l’alinéa c), mais il cesse d’être président ou vice-président d’un comité s’il occupe l’un ou l’autre de ces postes, et il cesse d’être membre de tout Sous-comité du programme et de la procédure dont il est membre;

c)si un sénateur non affilié devient membre d’un parti reconnu ou d’un groupe parlementaire reconnu, il cesse d’être membre de tout comité dont il est membre à ce moment, le siège vacant étant pourvu soit par ordre du Sénat, soit par l’adoption par le Sénat d’un rapport du Comité de sélection;

9.tout changement de membre d’un comité en vertu du paragraphe 8 du présent ordre soit consigné aux Journaux du Sénat.

— Honorables sénateurs, j’ai le privilège aujourd’hui de vous donner davantage d’explications sur la motion que j’ai déposée hier. Il s’agit d’une motion qui porte sur l’ordre sessionnel et qui devrait enfin nous permettre, à tous et à toutes, quel que soit le groupe auquel nous appartenons, de siéger aux différents comités. Cela permettrait également à chacun des groupes d’avoir un représentant au sein des comités directeurs de chacun des comités permanents.

(1530)

Quels sont les principes à la base de cette entente? Le premier principe est celui de la proportionnalité. Je veux mettre en évidence le fait qu’en 2020, il y a au Sénat cinq groupes représentés. Évidemment, il y a le groupe du représentant du gouvernement, qui compte trois sénateurs, l’opposition et trois autres groupes qui sont maintenant reconnus.

Il y a aussi, il ne faut pas les oublier, quatre sénateurs, si nous excluons le Président du Sénat et le représentant du gouvernement, qui sont des sénateurs non affiliés. Il est important de nous assurer que chacun de ces groupes et tous ces sénateurs non affiliés sont représentés et peuvent siéger aux différents comités.

Le principe de la proportionnalité nous a permis de déterminer un nombre de sièges qui appartiennent aux groupes et caucus et qui peuvent être redistribués à leurs membres, conformément aux critères de chacun de ces groupes.

Le deuxième principe est celui de l’équité. Il nous semblait important de nous assurer que tous les groupes pourraient être représentés au sein des comités directeurs de chaque comité et qu’il y aurait également une représentation importante au sein des comités de gouvernance du Sénat.

Je veux donner un exemple concret d’un sénateur qui, selon moi, a été victime d’une inégalité : il s’agit du sénateur Munson. Il est membre du comité directeur de CIBA depuis plusieurs mois. Il n’a jamais reçu de compensation pour cela. Je sais, parce que je suis au courant de ce que font ses collègues au comité directeur, qu’il a travaillé au moins aussi fort que les autres. Il y a là une iniquité que cet ordre sessionnel propose de corriger en faisant en sorte que, au sein des comités de gouvernance — soit le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration, le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement et le Comité de sélection —, chaque membre des quatre groupes représentés puisse occuper un siège et recevoir une allocation additionnelle.

Le principe de raisonnabilité s’applique, cependant. Si nous créons un tel poste de quatrième membre payé, parce que nous avons déjà trois membres au sein des comités directeurs, il s’agit peut-être d’un abus. C’est pourquoi nous avons proposé, compte tenu de l’impact de la proportionnalité, que les deux groupes qui comptent le moins grand nombre de sénateurs puissent occuper, en alternant, le nombre de troisièmes postes payé au sein des comités directeurs, ce qui signifie que la majorité des membres de chacun de ces groupes pourront occuper un poste et recevoir une allocation au sein des comités directeurs.

Ce principe d’équité avec raisonnabilité nous semblait important. Je veux maintenant vous parler des sénateurs non affiliés, parce que c’est un sujet tout aussi important. Il ne faut pas qu’ils soient laissés pour compte. Voilà pourquoi cette entente a prévu de consulter les quatre sénateurs non affiliés en ce qui concerne leur intérêt vis-à-vis des comités afin qu’ils soient en mesure d’y occuper un siège. Personnellement, je crois que, du côté des sénateurs indépendants, nous avons offert des sièges à deux sénatrices qui sont membres du G3. Je crois que nous avons réussi à conclure une très bonne entente.

Je voudrais maintenant parler du respect des règles que cette entente assure en tous points et sous tous les aspects. Le respect des règles est extrêmement important pour nous.

[Traduction]

Permettez-moi de formuler une observation au sujet de l’argument selon lequel nous ne respecterions pas les dispositions huit et neuf de la motion. Depuis de nombreuses années maintenant, le Sénat considère que les sièges en comité appartiennent aux caucus ou aux groupes. Il ne s’agit pas d’une nouvelle proposition. La mesure est conforme aux ordres sessionnels déjà adoptés à l’unanimité, notamment ceux adoptés récemment le 7 décembre 2016, le 7 décembre 2017, le 20 novembre 2018 et le 11 avril 2020. En 2016, il y avait trois groupes reconnus au Sénat. Il y en a aujourd’hui cinq, si l’on compte le représentant du gouvernement.

Dans tous les cas, le Sénat a convenu à l’unanimité de ne pas inclure l’article 12-2(3). Je souligne qu’à cette époque, cette décision avait été autorisée. C’est tout à fait juste et raisonnable. Chers collègues, cette motion n’a rien d’extraordinaire ou d’inapproprié, et elle reflète une entente qui a été conclue entre les facilitateurs et les chefs de trois groupes sénatoriaux sur quatre. Nous poursuivons dans le sens des accords qui facilitent les travaux du Sénat depuis plusieurs années. L’entente en question cherche à promouvoir la justice et l’égalité au sein des groupes. La motion a donc été conçue dans un esprit de respect et d’égalité des groupes.

Il serait injuste qu’un groupe ne puisse plus faire partie d’un comité parce qu’un sénateur décide de changer de groupe. Le fait qu’un petit groupe de sénateurs ne soit plus représenté à un comité, qu’il n’y ait plus de siège, est contraire au principe d’équité. Le sénateur qui s’en va créerait assurément une situation injuste pour ses collègues. Il serait inapproprié, illogique et injuste de permettre qu’une telle situation se produise au Sénat.

Nous avons toujours encouragé et appuyé l’inclusion de tous les groupes. Cette transférabilité des sièges pourrait poser un risque pour un groupe donné.

[Français]

Je voudrais également vous parler de l’importance de bien interpréter le Règlement du Sénat. La lecture d’une loi ou d’un règlement se fait dans son ensemble, et non article par article.

Je fais donc référence à l’article 12-2(3) du Règlement du Sénat, qui commence par les mots suivants : « Sauf disposition contraire ».

Sauf disposition contraire, dès l’adoption de ce rapport par le Sénat, les sénateurs nommés membres des comités restent en fonction pour la durée de la session.

Or, l’article 12-5 est une disposition contraire, puisqu’il évoque la possibilité de remplacer un membre d’un comité et qu’il définit la procédure à suivre. Je vous lis l’article 12-5 :

Sauf dans le cas des membres d’office et des membres du Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, le remplacement d’un membre d’un comité peut s’effectuer au moyen d’un avis remis au greffier du Sénat, qui le fait consigner aux Journaux du Sénat. Cet avis est signé :

a) dans le cas d’un membre du gouvernement, par le leader du gouvernement ou son délégué;

b) dans le cas d’un membre de l’opposition, par le leader de l’opposition ou son délégué;

c) dans le cas d’un membre de tout autre parti reconnu ou groupe parlementaire reconnu, par le leader ou facilitateur de celui-ci, ou son délégué.

De plus, la Procédure du Sénat en pratique, qui est l’autorité en cette matière et qui a été rédigée par nos experts de la Chambre — j’en profite pour les remercier de leur excellent travail —, traite de la possibilité de procéder à des changements à la composition des comités au chapitre 9, à la page 177. Cette possibilité est ainsi exprimée :

L’article 12-2(3) du Règlement prévoit qu’une fois nommés à un comité, les sénateurs demeurent en fonction jusqu’à la fin de la session. Néanmoins, des changements à la composition des comités peuvent être apportés en cours de session, sauf dans le cas du Comité sur l’éthique et les conflits d’intérêts, par le leader [...]

Je les ai nommés tout à l’heure.

On ajoute ce qui suit :

Les changements apportés à la composition d’un comité ne sont pas temporaires. Ils entraînent le retrait définitif d’un sénateur et son remplacement. Le sénateur ainsi écarté de la composition d’un comité n’en est plus membre jusqu’à ce qu’un autre avis le rétablisse dans ses fonctions auprès du comité. Une fois remplacé, le sénateur perd tous les privilèges rattachés à la fonction, dont le droit de vote, le droit de présenter une motion au comité et le droit d’être compté lors de la détermination du quorum.

(1540)

Malgré l’article 12-2(3) du Règlement, la pratique actuelle du Sénat, à travers de nombreux ordres sessionnels, veut que les sénateurs qui changent d’affiliation abandonnent leur place au sein des comités où ils siégeaient précédemment. Il s’agit, à mon avis, d’un principe d’équité, d’une question de respect des négociations entre groupes et d’une question de respect de la proportionnalité.

Maintenant que nous avons cinq groupes reconnus au Sénat, je crois aussi qu’il faut nous assurer de la responsabilité assumée par un caucus ou un groupe d’accueil. Si un caucus ou un groupe accueille un ou des sénateurs, il doit s’assurer de leur offrir des sièges au sein des comités. Cela m’apparaît extrêmement important. Il est encore plus important de s’assurer que les sénateurs qui se joignent à un groupe laissent à ce groupe, qui a accueilli un ou des nouveaux membres sur la base de la proportionnalité, le soin de décider qui occupera un siège pour le représenter au sein du comité directeur. Sinon, cela créerait une iniquité évidente. Un groupe ou un caucus aurait ainsi deux membres au sein du comité directeur d’un comité permanent, alors qu’un autre groupe ou un caucus n’aurait plus de voix au sein de ce comité directeur. Je crois que cela relève de l’évidence.

Quitter un groupe ou se joindre à un nouveau groupe fait appel, à mon avis, à la franchise et à l’intégrité d’un sénateur qui décide — ce qui est tout à fait légitime — de se joindre à un autre groupe ou caucus. Cette décision sollicite la franchise et l’équité de chacun des sénateurs.

Je conclus en insistant sur l’importance de faire en sorte que cette motion devienne maintenant réalité. Cinq projets de loi sont attendus au cours des prochaines semaines, et même au cours de la prochaine semaine. L’un d’eux doit être adopté avant l’échéance du 18 décembre, soit le projet de loi sur l’aide médicale à mourir, un projet de loi d’une complexité et d’une importance majeures. Il nous appartient de faire en sorte que ces projets de loi puissent être étudiés intelligemment, avec un second examen expert et attentif, par les comités du Sénat. Je pense qu’il en va de notre devoir et de notre sens des responsabilités d’adopter, dans les meilleurs délais, cet ordre sessionnel, qui nous permettra enfin de faire notre travail avec grande attention et qui nous empêchera assurément de faire un estampillage hâtif de ces projets de loi — ce à quoi je ne saurais personnellement me résoudre.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

L’honorable Diane Bellemare : Honorables sénateurs, je parlerai surtout en français. Je voudrais cependant résumer tout d’abord les arguments que j’entends présenter. En premier lieu, j’appuie la motion pour la reprise des comités; c’est certain. Je ne veux pas qu’on retarde davantage la reprise de leurs travaux. La modernisation du Sénat me tient à cœur, vous le savez tous, en particulier mes collègues conservateurs — qui étaient mes collègues et le sont toujours —, qui savent que je suis de celles qui passent de la parole aux actes.

J’aimerais proposer un amendement à la motion qui, d’après moi, est raisonnable. Mon amendement est fondé sur le fait que les articles 8 et 9 de la motion vont à l’encontre de l’esprit de l’article 12-2(3) du Règlement, qui se lit comme suit :

Sauf disposition contraire, dès l’adoption de ce rapport par le Sénat, les sénateurs nommés membres des comités restent en fonction pour la durée de la session.

Cette règle existe depuis longtemps, mais nous ne savons pas depuis quand exactement. J’ai demandé aux greffiers et ils m’ont dit qu’elle avait toujours existé. Elle a toujours été respectée, sauf pendant la 42e législature, lorsque deux nouveaux sénateurs ont été nommés. Nous avons adopté des ordres sessionnels. À l’époque, je faisais partie du bureau du représentant du gouvernement au Sénat, je ne voulais donc rien faire qui aurait pu compromettre la formation du comité. Maintenant, je suis une sénatrice indépendante, alors je peux dire ce que je pense vraiment de ces dispositions et je peux dire pourquoi elles devraient être supprimées de l’ordre sessionnel en question.

De telles dispositions sont dangereuses parce qu’elles peuvent rompre l’équilibre fragile entre l’influence d’un groupe ou d’un caucus sur un sénateur et sa propre liberté de faire les choses comme il l’entend. Cette règle existait quand le Sénat était une sorte de duopole. Je pense que beaucoup d’entre vous l’ignorent, mais maintenant vous allez le savoir : j’ai fait partie du caucus conservateur et que je l’ai quitté quand j’ai dû…

Des voix : Oh, oh.

Une voix : Cela fait quatre…

Son Honneur la Présidente suppléante : À l’ordre.

La sénatrice Bellemare : Quand j’ai quitté le caucus conservateur, j’ai conservé mes sièges aux comités, à une exception près. Après un certain temps, un sénateur du caucus conservateur voulait occuper mon siège et il y a réussi, grâce à l’article 12-5 du Règlement. Sinon, j’ai siégé au Comité des finances et au Comité des banques jusqu’à la fin de la session.

[Français]

Ces articles 8 et 9 sont, à mon avis, très dangereux, parce qu’ils contredisent les principes fondamentaux d’une réforme visant à établir un Sénat moins partisan, plus indépendant et plus transparent. En fait, ces articles 8 et 9, qui obligent un sénateur à abandonner son siège s’il change d’affiliation, contredisent le principe de pluralité, qui est très important au Sénat pour faire obstacle au majoritarisme que l’on tente de combattre dans cette Chambre par opposition à l’autre endroit. Je vais expliquer ceci plus loin.

Le deuxième principe que contredisent ces articles, c’est celui de la proportionnalité entre les groupes, pour des raisons que je vais expliquer également, de même que le principe d’égalité entre les sénateurs, pour que chacun puisse exercer son mandat constitutionnel avec les mêmes outils et la même participation au sein des comités.

Commençons par le principe de pluralité. Les articles 8 et 9 viennent figer la fluidité des mouvements entre les groupes. Comme on le sait, la pluralité des groupes est un élément majeur qui doit être pris en compte pour rendre le Sénat moins partisan et plus indépendant.

Comme les honorables sénateurs le savent peut-être, tous les sénats du monde, à l’exception de celui des États-Unis et, autrefois, celui du Canada, sont composés de plusieurs groupes afin qu’aucun groupe ne puisse compter sur la majorité des votes. La raison est bien évidente. Un sénat a un devoir de second examen objectif et il doit empêcher que l’autre Chambre utilise sa majorité pour forcer l’adoption de lois qui peuvent, d’une certaine manière, avoir un impact sur des groupes minoritaires ou des régions. Si le Sénat veut effectuer un second examen objectif, s’il veut être en mesure de se montrer objectif et impartial et contrer le majoritarisme, il ne doit pas lui-même être majoritaire; aucun des groupes ne doit être majoritaire.

Le principe de la pluralité est donc éminemment important, et cette fluidité doit être respectée.

(1550)

De plus, le principe de proportionnalité, que l’on observe dans tous les sénats du monde pour ce qui est de la composition des groupes, doit s’appuyer sur la transférabilité des sièges au sein des comités pour être respecté tout au long d’une session.

Voici un exemple très simple. Supposons un groupe composé de 20 sénateurs. Il perdra deux sénateurs, donc 10 % de ses effectifs. Disons que les 2 sénateurs se joignent à un autre groupe composé de 20 sénateurs; ce groupe compte maintenant 22 sénateurs. Il augmente donc ses effectifs de 10 %. Par contre, la règle actuelle, si elle était bien appliquée, ferait en sorte que le groupe maintenant composé de 18 sénateurs puisse obtenir 22 % des sièges environ et que l’autre groupe, composé de 22 sénateurs, puisse obtenir des sièges au sein de comités comme s’il était composé de 18 membres.

Si la session est très longue, cela veut dire que, si chacun de ces sénateurs siégeait à deux comités, le groupe qui perdrait des membres se retrouverait avec quatre places à distribuer au sein des comités parmi ces 18 sénateurs. Certains siégeraient donc à trois comités, peut-être même quatre. Le comité recevant 2 sénateurs, dans un groupe comptant maintenant 22 sénateurs, mais où chaque membre siégeait à deux comités, devrait donc attribuer un siège aux deux nouveaux membres. Donc, les sénateurs en question siégeront à un comité; certains d’entre eux auront cette possibilité.

Si l’on se fie à la règle de la proportionnalité pour assurer ce principe en tout temps, les sièges aux comités doivent être transférables. C’est de cette manière qu’on peut assurer l’égalité entre les sénateurs dans l’exercice de leurs fonctions. En ayant des comités transférables où l’on assigne une tâche à un sénateur au début de la session, et si le sénateur accomplit cette tâche tout au long de la session, en adoptant la méthode de la proportionnalité, on assure que chacun des sénateurs accomplira la même tâche. Donc, qu’il reste ou qu’il parte, un sénateur doit transférer les sièges des comités dont il fait partie. Sinon, on va créer un déséquilibre dans le nombre de sièges de comités par groupe, et on ne respectera pas davantage la proportionnalité et l’égalité entre les sénateurs.

Un sénateur qui décide de quitter un groupe ne prévoit pas de poser ce geste, je peux vous le confirmer. C’est une chose qui peut arriver dans la vie d’un sénateur. Cela arrive régulièrement quand les sessions sont longues. Si une session dure très longtemps, comme la dernière fois, le déséquilibre entre les principes de proportionnalité et d’égalité va perdurer.

Il y a d’autres petites choses qui me fatiguent un peu dans cette motion, mais voilà, ce sont les articles 8 et 9 qui me troublent le plus.

[Traduction]

Motion d’amendement

L’honorable Diane Bellemare : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :

Que la motion ne soit pas maintenant adoptée, mais qu’elle soit modifiée par :

a)l’ajout du mot « and » à la fin du paragraphe 6 dans la version anglaise;

b)la substitution, aux paragraphes 8 et 9, de ce qui suit :

« 8. Sauf dans le cas du Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, un sénateur qui change son affiliation cesse d’être président ou vice-président d’un comité s’il occupe l’un ou l’autre de ces postes. ».

[Français]

En d’autres mots, en supprimant de la motion les articles 8 et 9, on en vient à respecter le Règlement, soit l’article 12-2(3), qui dit clairement qu’un sénateur doit rester en poste pour la durée de la session. De plus, il y a toujours l’article 12-5 que l’on peut invoquer pour que le sénateur ne fasse plus partie du comité.

Donc, en supprimant les articles 8 et 9, tout en maintenant l’exception selon laquelle un sénateur qui quitte un groupe cesse d’être président ou vice-président d’un comité, on respecte la répartition proportionnelle, qui ne concerne pas les présidents et les vice-présidents, mais au moins on respecte la proportionnalité en ce qui concerne les mandats et l’égalité des sénateurs.

Sur ce, je suis prête à répondre à n’importe quelle question. Merci.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

Son Honneur la Présidente suppléante : Honorables sénateurs, en amendement, l’honorable sénatrice Bellemare propose, avec l’appui de l’honorable sénateur Loffreda,

Que la motion ne soit pas maintenant adoptée, mais qu’elle soit modifiée par :

a) l’ajout du mot « and » à la fin du paragraphe 6 dans la version anglaise;

Une voix : Suffit!

Son Honneur la Présidente suppléante : Puis-je me dispenser de lire la motion?

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente suppléante : Je poursuis :

b) la substitution, aux paragraphes 8 et 9, de ce qui suit :

« 8. Sauf dans le cas du Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, un sénateur qui change son affiliation cesse d’être président ou vice-président d’un comité s’il occupe l’un ou l’autre de ces postes. ».

[Français]

Nous débattons de l’amendement.

[Traduction]

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : J’ai une question, mais je voudrais également intervenir dans le débat.

[Français]

Son Honneur la Présidente suppléante : Sénatrice Bellemare, désirez-vous répondre à la question?

La sénatrice Bellemare : Oui, avec plaisir.

[Traduction]

Le sénateur Plett : À titre d’éclaircissement, sénatrice Bellemare, si je ne voulais pas que la Présidente se dispense de lire la motion, c’était parce que je voulais l’entendre de nouveau. Je ne suis pas certain de l’avoir bien comprise.

Je comprends que vous voulez que les sénateurs conservent leur siège même s’ils changent de groupe. Toutefois, dites-vous également que, par exemple, si vous présidez le comité des Finances et que vous décidez, parce que vous avez eu une grande illumination, que vous voulez revenir chez les conservateurs — en fait, vous aviez promis d’être une conservatrice quand vous êtes arrivée au Sénat, mais vous avez maintenant changé de groupe à deux reprises —, vous conserverez votre poste de présidente, ou dites-vous plutôt que vous quitterez la présidence pour n’être que simple membre du comité?

[Français]

Son Honneur la Présidente suppléante : Sénatrice Bellemare, votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous cinq minutes de plus?

La sénatrice Bellemare : S’il vous plaît, madame la Présidente. La réponse simple est la suivante :

[Traduction]

Si je présidais un comité et que je quittais un groupe parlementaire, je cesserais de présider le comité en question. La motion indique explicitement que je siègerais au comité des Finances, mais que je ne n’en serais pas présidente.

L’honorable Marilou McPhedran : Je vous remercie pour cet amendement, sénatrice Bellemare. J’aimerais simplement savoir si vous souhaitez, ou non, que l’amendement modifie le libellé et l’effet de l’article 12-5.

(1600)

La sénatrice Bellemare : Non, je n’ai pas l’intention de modifier quoi que ce soit dans le Règlement au moyen de mes amendements. L’amendement que je propose vise à protéger l’article 12-2(3) dans sa forme actuelle et à permettre le recours à l’article 12-5 advenant qu’un groupe tienne absolument à remplacer un sénateur au sein d’un comité. C’est possible de le faire.

L’honorable Scott Tannas : Je ne sais pas si je devrais m’aventurer à discuter de chiffres avec une économiste, mais vous avez parlé de 20 personnes et de 2 qui quittent, et cetera. Je me demande ce que vous faites de ce qui suit : dans un comité donné, si le Groupe des sénateurs canadiens perd 8 % de ses membres, un membre, il perd 100 % de ses sièges. Si le Groupe progressiste du Sénat perd 9 % de ses membres, il perd 100 % de sa représentation au comité. De l’autre côté, pour ce même comité, si le Groupe des sénateurs indépendants perd 2 % de ses membres, il perd 25 % de ses sièges. Comment pouvez-vous concilier cette réalité avec vos explications?

La sénatrice Bellemare : Absolument. Sénateur Tannas, l’objectif de ma motion s’inscrit dans la vision d’un Sénat moderne où un sénateur est un sénateur. Un sénateur doit siéger au Sénat et exercer son mandat constitutionnel. La proportionnalité est un outil qui permet aux sénateurs d’occuper un siège.

Vous vous souvenez de l’arrivée des sénateurs indépendants? Il était très difficile de faire une place pour eux dans les comités et de faire confirmer la proportionnalité. La proportionnalité n’est pas l’enjeu en soi, c’est l’égalité entre les sénateurs. Si vous examinez les autres sénats dans le monde où la proportionnalité est prévue dans le règlement, vous constaterez qu’ils adoptent aussi cette position afin de garantir l’égalité. La proportionnalité est utilisée pour assurer un mandat égal et donner à chaque sénateur l’occasion d’exercer son propre mandat constitutionnel, qui consiste à siéger au Sénat et aux comités. De plus, dans les comités où il ne peut pas y avoir de valeur ajoutée, cela ne me dérange pas si un membre canadien devient parfois un membre progressiste; la question n’est pas là. Un sénateur est un sénateur. Si c’est un bon sénateur, le groupe est là pour aider les sénateurs à être de bons sénateurs. Il n’est pas là pour le groupe.

C’est pourquoi je suis si convaincue du bien-fondé de mon amendement et j’espère qu’il sera adopté, car il respecte une règle qui existe depuis très longtemps. Merci.

Son Honneur la Présidente suppléante : Avez-vous une question, sénateur Housakos? Je crois que le temps de parole de la sénatrice Bellemare est écoulé. La sénatrice Bellemare peut demander cinq minutes de plus, si elle le souhaite.

Des voix : Non.

Le sénateur Plett : N’hésitez pas à le faire.

Le sénateur Housakos : Puis-je participer au débat sur sa motion?

Son Honneur la Présidente suppléante : Je vais inscrire votre nom sur la liste des intervenants.

L’honorable Yuen Pau Woo : Honorables sénateurs, je tiens à remercier la sénatrice Bellemare d’avoir présenté son amendement, qui nous donne l’occasion de réfléchir plus sérieusement à cette règle établie depuis longtemps et à ce qu’on entend vraiment par égalité des sénateurs, indépendance des sénateurs et transférabilité des sièges de comité.

Chers collègues, comme vous le savez, la motion que la sénatrice vient d’amender est le fruit d’un accord négocié sur les comités que les dirigeants de trois groupes représentant environ 80 % des sénateurs ont conclu. Je n’ai pas participé aux négociations, mais j’appuie la motion initiale. Les dispositions de la motion initiale ont été négociées dans le cadre de ce que les négociateurs commerciaux appellent un engagement unique, ce qui signifie que toutes les parties de la motion sont essentielles à l’intégrité de l’accord conclu. Toutefois, je parlerai uniquement d’une seule partie de la motion initiale, qui, bien sûr, vient d’être supprimée par la sénatrice Bellemare. Je parle des articles 8 et 9.

Chers collègues, la question qui se pose est celle de la transférabilité des sièges aux comités, plus particulièrement la possibilité pour les sénateurs qui décideraient de changer de groupe parlementaire de conserver leur siège à un comité. Il n’est pas question ici du droit des sénateurs de siéger à un comité, indépendamment du groupe auquel ils appartiennent ou de leur affiliation à un groupe quelconque. Le dernier commentaire de la sénatrice Bellemare témoigne d’un raisonnement dépourvu de logique. Nous ne débattons pas du droit des sénateurs de siéger à un comité. Nous débattons pour savoir si les sénateurs ont le droit de conserver un siège à un comité lorsqu’ils quittent leur groupe parlementaire.

L’argument en faveur de la transférabilité a été formulé tout récemment par la sénatrice Bellemare, mais aussi dans une lettre d’opinion de la sénatrice Cordy, publiée récemment dans le Hill Times. Il se résume à quatre points clés. Premièrement, les règles actuelles permettent la transférabilité. Deuxièmement, les interdictions concernant la transférabilité sont contraires à la modernisation du Sénat. Troisièmement, les interdictions favorisent des comportements semblables à ceux qu’on retrouve dans un caucus et elles sont contraires à l’indépendance du Sénat. Quatrièmement, ce n’est pas les groupes qui attribuent les sièges aux comités aux sénateurs, c’est le Sénat. Je vais aborder chaque point un par un, mais permettez-moi d’abord d’expliquer pourquoi j’appuie la version originale de la motion et je suis contre l’amendement.

Le point de départ de ce débat, honorables sénateurs, consiste à se demander comment un sénateur en vient à siéger à des comités. Notre arrivée à la Chambre haute ne s’accompagne pas d’un siège de comité à notre nom. Nous avons tous le droit de siéger à des comités, certes, mais personne n’a le droit absolu de siéger à un comité précis. Cette réalité ne découle pas de l’indépendance du Sénat ou de quelque noble principe; c’est tout bêtement une question de mathématiques. Dans la plupart des comités, il y a plus de sièges disponibles que de sénateurs qui souhaitent y siéger. Chaque fois que le Sénat doit reformer les comités, comme il le fait actuellement en ce début de deuxième session de la 43e législature, nous devons élaborer une façon d’attribuer un nombre défini de sièges à un grand nombre de sénateurs qui souhaitent les occuper. C’est simplement un casse-tête d’attribution des places, un peu comme lorsqu’on décide à quelle table s’assoiront les amis et les membres de la famille à un banquet de noces.

À l’heure actuelle, l’attribution des sièges des comités se fait en deux étapes. Tout d’abord, on répartit les sièges parmi les groupes reconnus au Sénat, puis on demande à chaque groupe d’attribuer chaque siège à un sénateur. La première étape est relativement simple, car elle s’appuie sur une répartition proportionnelle selon laquelle chaque groupe reçoit un nombre de sièges à peu près proportionnel au nombre de sénateurs que compte le groupe. La deuxième étape est plus compliquée, et chaque groupe a sa propre façon d’attribuer chaque siège à un sénateur.

Sans entrer dans les détails, le Groupe des sénateurs indépendants a conçu un processus visant à assigner les sénateurs aux comités selon leurs préférences et selon un ordre établi avec certains critères, dont l’ancienneté, l’expertise et la diversité. Les sénateurs du Groupe des sénateurs indépendant ont participé à la création du protocole et ils prendront part volontiers à son application, ce qui va de pair avec l’appartenance au groupe. Je suis certain que les autres groupes ont des processus semblables.

Habituellement, les sénateurs sont affectés à un ou plusieurs comités de leur choix, mais, parce que la demande est trop grande, presque tous les sénateurs finissent par siéger à un comité qu’ils n’avaient pas choisi. Il est important de souligner qu’un sénateur qui obtient un siège n’est pas nécessairement plus méritant qu’un sénateur qui n’a pas été sélectionné. C’est tout simplement que le protocole dont on a convenu pour l’attribution des sièges a produit un résultat favorable à certains sénateurs. C’est pourquoi le retrait d’un siège à un sénateur qui quitte le groupe subséquemment constitue une violation du protocole que le sénateur a volontairement accepté de suivre afin d’obtenir un siège. Soyons francs : le sénateur qui a eu le siège convoité l’a obtenu au détriment d’un de ses collègues. Retirer ce siège au groupe parlementaire dont il fait partie constituerait un affront à l’équité procédurale et une insulte pour les sénateurs qui ont accepté de se plier aux règles de leur groupe.

(1610)

Ce que j’essaie de dire, chers collègues, c’est que, même si les sénateurs ont le droit de siéger à divers comités, ils n’ont aucune prérogative quant au choix des comités auxquels ils siègent. Les sièges d’un comité donné ne sont assignés qu’à l’issue d’un processus qui repose essentiellement sur la négociation. Que le droit des sénateurs de siéger à un comité donné ait préséance sur une entente négociée est contraire à toute logique et constitue une violation de l’équité procédurale.

Que faire, alors, chers collègues, du fait qu’à l’heure actuelle, le Règlement autorise les sénateurs à garder leur siège? Ce point était au cœur même de l’argumentaire de la sénatrice Bellemare et il est au cœur du billet publié par la sénatrice Cordy. Cette dernière ajoute que la transférabilité des sièges est indissociable de la modernisation du Sénat, modernisation qui, je le rappelle, constitue l’un des objectifs avoués du Groupe progressiste du Sénat.

Je répondrai, chers collègues, qu’on ne peut pas être pour la modernisation du Sénat et contre la modification du Règlement. Quiconque se dit pour la modernisation de notre assemblée doit à tout le moins être ouvert à la modification de certaines de ses règles, y compris celle sur la transférabilité des sièges. L’argument voulant que cette dernière ait sa raison d’être simplement parce qu’elle est autorisée par le Règlement n’est pas un vrai argument, mais une simple énonciation des faits tels qu’ils sont à l’heure où on se parle.

La vraie question est de savoir si le statu quo est encore pertinent et s’il s’accorde avec notre objectif commun de modernisation. Premièrement, en ce qui concerne la motion originale, mettre fin à la transférabilité favoriserait l’équité procédurale. Il me semble que c’est tout à fait conforme à l’objectif de modernisation du Sénat.

Je ne peux qu’émettre des hypothèses sur ce qui a amené les sénateurs à adopter la règle de transférabilité, il y a de nombreuses années. Cependant, pendant la majeure partie de l’histoire du Sénat, il n’y avait essentiellement que deux groupes à la Chambre haute. Par conséquent, la question de l’attribution des sièges au Sénat était beaucoup moins complexe qu’aujourd’hui. Il y avait beaucoup moins de souplesse dans la composition du Sénat par rapport à ce qu’on a vu dans les quatre dernières années, et il y avait très peu de mobilité des sénateurs entre les caucus. C’est donc dire que la question de la transférabilité des sièges au Sénat ne s’est probablement pas posée pendant la plus grande partie de l’histoire de la Chambre haute.

Quoi qu’il en soit, à l’ancienne époque des caucus soumis à la ligne de parti, la règle de la transférabilité dont nous parlons, soit l’article 12-2(3), était habituellement supplantée par l’article 12-5, comme le proposent les sénatrices Bellemare et Cordy. Vous vous rappellerez que, comme l’a expliqué la sénatrice Saint-Germain, l’article 12-5 permet au leader d’un caucus ou d’un groupe de remplacer un sénateur dans un comité d’un simple trait de plume. Étant donné que, dans un caucus soumis à la ligne de parti, tout sénateur récalcitrant serait fort probablement privé de son siège bien avant sa décision de quitter le caucus, la question de la transférabilité ne se pose pas.

Pour cette raison, il est très étrange que les sénatrices Bellemare et Cordy défendent l’article 12-5 du Règlement, tout en préconisant la transférabilité. En effet, puisqu’elles sont en faveur de l’attribution permanente des sièges, elle devrait considérer l’article 12-5 comme une bien plus grande menace que l’article 12-2(3), parce qu’on peut invoquer l’article 12-5 en tout moment durant l’appartenance d’un sénateur à un groupe ou caucus. Même si l’objet de l’article 12-5 du Règlement est d’apporter des modifications temporaires, rien n’empêche une modification temporaire de devenir permanente.

Nous ne débattons pas ici de l’article 12-5, mais plutôt du fait qu’il n’est pas du tout logique d’invoquer cet article comme motif pour conserver l’article 12-2(3) du Règlement.

Cela m’amène au troisième argument avancé en faveur de la transférabilité, soit que la motion initiale encourage des comportements semblables à ceux qu’on retrouve dans un caucus. Les affirmations ne sont pas des faits. Respecter une procédure convenue visant à attribuer les rares sièges des comités ne signifie pas qu’un sénateur est obligé de suivre une ligne de parti. L’équité procédurale est une question de décence. Elle n’a rien à voir avec les pouvoirs arbitraires des leaders des groupes parlementaires.

Les défenseurs de la transférabilité voudraient nous faire croire qu’il s’agit d’une question d’indépendance des sénateurs, mais ce n’est qu’une tactique de diversion. C’est une question d’indépendance uniquement dans les situations où un sénateur voudrait se décharger de toute responsabilité envers le groupe dont il a obtenu le siège. C’est un problème lorsque les sénateurs font à leur tête et qu’ils se disent qu’ils ont le droit absolu de siéger à ce comité, peu importe la manière dont le siège a été obtenu, et quand ils oublient que les autres sénateurs ont été privés de ce siège parce qu’ils doivent eux aussi respecter le protocole convenu relativement à l’attribution des sièges.

Chers collègues, je suis parfaitement conscient que personne n’aime se faire retirer quelque chose dont il disposait auparavant. Je me permets d’utiliser l’expression « c’est vraiment plate ». Or, pour déterminer à quel point c’est plate de perdre quelque chose, il faut d’abord évaluer dans quelle mesure on y avait droit au départ. Si on perd un trésor qui nous a été légué, et que ce dernier est exproprié par décret, la situation serait vraiment très plate. Toutefois, si on perd un trésor obtenu aux dépens de quelqu’un d’autre parce qu’un processus de négociation nous en a fait l’heureux bénéficiaire, la situation serait nettement moins plate, surtout si on a volontairement participé au processus avec les autres membres du groupe et qu’on choisit de quitter le groupe de notre propre chef.

La sénatrice Cordy a donné un autre argument que la sénatrice Bellemare n’avait pas soulevé. Je vais donc l’attribuer à la sénatrice Cordy seulement. Elle a souligné que, en fin de compte, c’est le Sénat qui attribue les sièges des comités aux sénateurs, et non les groupes. Bien sûr, elle fait référence au fait que le Comité de sélection produit un rapport sur le détail de la répartition des sièges et que ce rapport est ensuite soumis à un vote au Sénat.

Si je comprends bien, elle fait valoir que toute nécessité de respecter le processus d’un groupe pour attribuer les sièges est invalidée par le fait que l’ensemble du Sénat prend la décision finale en ce qui concerne la composition des comités. À mon avis, l’argument est tiré par les cheveux parce que le Sénat dans son ensemble n’a joué aucun rôle dans les négociations sur la répartition des sièges ou la structure précise de la composition des comités. Ce travail ardu a été effectué par les groupes. Il a nécessité des négociations encadrées par des protocoles internes qui avaient été acceptés par les membres de chacun des groupes.

Le fait que le Sénat donne sa bénédiction au travail des comités ne supprime pas l’obligation et la responsabilité d’assurer une équité procédurale à l’échelle des groupes.

Toutefois, je dirai que le fait que la sénatrice Cordy invoque la nécessité, pour le Sénat, de donner sa bénédiction à la négociation de la répartition des sièges aux comités soulève un point intéressant. En effet, il existe peut-être un moyen d’organiser la composition des comités de manière à ce que les places soient transférables. Si l’on assignait aux sénateurs les places aux comités par la voie d’un processus faisant intervenir l’ensemble du Sénat plutôt que par la négociation entre les groupes, on pourrait soutenir que ces places appartiennent aux sénateurs à titre individuel, du moins pour la durée de la session.

Dans ce scénario, où l’ensemble du Sénat décide de la répartition des places au sein des comités, si un sénateur choisit de changer de groupe, cela ne porterait aucunement atteinte à la répartition des places aux comités. Par conséquent, la transférabilité ne serait pas un problème. Réfléchissez à ce scénario, mais je souhaite bonne chance à quiconque tente de trouver un système s’appliquant à l’ensemble du Sénat pour répartir les places au sein des comités parmi les sénateurs individuels.

Chers collègues, la sénatrice Cordy et d’autres sénateurs qui appuient la transférabilité ou qui sont foncièrement contre l’idée de répartir les places au sein des comités par caucus ou par groupe aimeraient peut-être voir le Sénat adopter un processus de sélection englobant tous les sénateurs. C’est une proposition respectable, mais ce n’est pas celle dont nous débattons en ce moment. À l’heure actuelle, ceux qui réclament la transférabilité veulent jouer sur les deux tableaux : ils veulent que les places au sein des comités soient réparties par groupe et veulent que ces places soient transférables. Du point de vue de l’intégrité procédurale, cette position manque de cohérence.

(1620)

Avant de conclure, je reviendrai sur les chiffres, puisqu’il en a souvent été question et que le sénateur Tannas en a aussi parlé. La sénatrice Bellemare a parlé d’un scénario hypothétique fondé sur 20 plus 2 et 20 moins 2, ce qui représenterait une hausse de 10 % et une baisse de 10 %. Selon son argument, cela modifierait la composition proportionnelle d’un comité.

Passons en revue les chiffres. En réalité, il n’y a pas que deux groupes, mais trois ou quatre, comme on le sait. Imaginons donc un troisième groupe qui compte 10 membres. Le groupe de 10 membres ne change pas. Supposons qu’il y a 50 membres au total. Le premier groupe de 20 augmente de 2; le deuxième groupe de 20 est réduit de 2 et passe à 18. Dans ce scénario, si le comité compte 9 ou 12 membres, la répartition proportionnelle des groupes ne change pas, même si 2 membres passent d’un groupe à un autre. Vous pouvez me croire sur parole ou faire vous-même les calculs.

Dans les faits, une simple fluctuation du nombre de personnes au sein d’un groupe n’a pas autant d’effet quand il s’agit d’un petit comité de 9, 12 ou 15 membres. Vous pouvez faire vous-même le calcul, encore une fois.

L’argument selon lequel la répartition proportionnelle serait mise à mal par le départ d’un ou deux membres ne tient pas la route. Encore une fois, vous n’avez pas à me croire sur parole; faites vous-même les calculs.

Pour résumer, chers collègues, bien que certains voudraient que la motion ouvre un débat sur l’indépendance du Sénat et l’autonomie des sénateurs, la vérité moins reluisante est que l’attribution des sièges aux comités est toujours un casse-tête qui est résolu par la négociation. Cette dernière ne fonctionne que si les parties se soumettent aux règles de l’entente négociée et qu’elles respectent à la fois les résultats et les procédures qui ont mené à ces résultats. S’il y a un principe à la base de la motion, c’est bien celui de l’équité procédurale. Les sénateurs ne détiennent pas un droit divin d’occuper un siège à un comité donné. Ils obtiennent un siège à un comité donné en participant volontairement à un processus de groupe qui leur a été favorable, mais aux dépens d’autres sénateurs. S’ils quittent leur groupe parlementaire, ils ne devraient pas pouvoir conserver leur siège au comité. C’est l’intention de la motion initiale, et c’est pourquoi je n’appuie pas l’amendement. J’espère que vous voterez contre et que nous pourrons rapidement passer à la motion principale et l’adopter pour enfin constituer les comités et poursuivre les travaux de la Chambre haute.

Son Honneur la Présidente suppléante : Tout le monde veut vous poser des questions, monsieur le sénateur Woo.

La sénatrice McPhedran : Je tiens à remercier les honorables sénateurs qui ont présenté la motion no 37, et la sénatrice Bellemare de nous avoir donné l’occasion de l’examiner de près.

Sénateur Woo, dans la mesure où vous pouvez nous en parler, dans les négociations et les discussions portant sur la modification des articles du Règlement concernant la transférabilité, est-ce qu’on a songé à un processus général pour le Sénat qui serait fondé sur un certain degré de représentation proportionnelle, mais qui fonctionnerait de façon semblable à ce que fait le Groupe des sénateurs indépendants, où chaque sénateur peut indiquer ses préférences et où des élections ont lieu pour choisir les présidents et les vice-présidents?

Le sénateur Woo : Je n’ai pas participé aux négociations, alors je devrais m’abstenir de me prononcer à leur sujet. Tout ce que je puis dire, c’est que le processus général pour le Sénat dont vous venez de parler et qui attribue les sièges selon un certain degré de proportionnalité est précisément la façon dont on a procédé. Le nombre de sièges accordé à chaque groupe est déterminé selon le principe de proportionnalité. La seule chose qui varie, c’est que chaque groupe a son propre processus interne pour décider de l’attribution des sièges.

L’honorable Leo Housakos : Sénateur Woo, c’est un débat très intéressant, mais qui me laisse perplexe. Je viens d’une époque révolue. Je ne suis sénateur que depuis 12 ans, mais je l’étais déjà quand le Sénat était composé de camps partisans. C’était terrible et il fallait absolument faire des changements.

Je peux toutefois vous dire ceci : au moins pendant mes premières années au Sénat, nous avons passé tout notre temps à débattre des projets de loi et des motions du gouvernement et à demander des comptes au gouvernement. Nous ne passions pas tout ce temps à débattre de procédure et d’infrastructure. Au cours de mes 12 années comme sénateur, je n’ai jamais consacré autant d’heures ou de jours à débattre de ce sujet, alors que nous sommes rémunérés par les Canadiens et que nous ne disposons que d’un temps de séance limité.

Ma question est toute simple, sénateur Woo. J’ai beaucoup de mal à me rappeler qui fait partie de quel groupe parlementaire. Je crois comprendre qu’aux dernières nouvelles, la sénatrice Bellemare est dans le Groupe des sénateurs indépendants et que vous en êtes toujours le leader. À l’époque où le Sénat était horriblement mené et où il était régi par de terribles règles partisanes, ces questions se réglaient entre groupes parlementaires. En quoi les sénateurs indépendants, les conservateurs, le Groupe des sénateurs indépendants et le Groupe des sénateurs canadiens sont-ils liés par les décisions prises au sein de votre caucus, quand c’est précisément là que ces questions devraient être débattues? Au Sénat, tous les membres de tous les comités sont élus. C’est la règle. Il arrive parfois qu’on la contourne : les dirigeants de chaque groupe se réunissent, négocient et s’entendent. Depuis le temps que je suis ici, j’ai vu des sénateurs qui étaient nommés de manière inamovible et qui conservaient leur siège jusqu’à la fin de la législature, mais il arrivait aussi que les caucus s’entendent pour garder le contrôle de l’attribution des sièges. Est-ce trop demander à votre groupe que de s’organiser?

Le sénateur Woo : Chers collègues, je suis très fier du fait que les membres du Groupe des sénateurs indépendants aient la liberté d’exprimer un point de vue contraire à celui de leurs collègues et j’espère que la question sera soumise rapidement au vote.

Son Honneur la Présidente suppléante : Sénateur Mercer, souhaitez-vous poser une question?

L’honorable Terry M. Mercer : Oui, honorables sénateurs, j’aimerais poser une question. Le sénateur Woo affirme qu’on ne peut pas être pour la modernisation du Sénat et contre la modification du Règlement. Nous ne nous opposons pas à la modification du Règlement. Nous nous opposons simplement aux modifications qui enlèveraient des pouvoirs aux sénateurs pour les donner aux leaders.

Sur le site Web du Groupe des sénateurs indépendants, on peut lire que :

[…] [les membres du groupe feront] activement la promotion de changements aux règles et pratiques du Sénat qui améliorent le fonctionnement de la Chambre et le travail des comités.

Le sénateur Woo a lui-même indiqué que l’article 12-5 est plus problématique que l’article 12-3. Alors, pourquoi modifier l’article 12-3 sans d’abord corriger l’article 12-5? Peut-il expliquer comment cette modification, sous le prétexte d’atteindre l’objectif visé, mettra les sénateurs à la merci des leaders?

Peut-il expliquer pourquoi la modification a été incluse dans la présente motion, au lieu de faire l’objet d’une motion distincte pouvant être débattue comme il se doit, tout en permettant entretemps aux comités de fonctionner?

Le sénateur Woo : Mon discours répond à votre question et je ne le lirai pas de nouveau. Je vais mentionner brièvement que la question de la modernisation et de la modification du Règlement se résume à ceci : vous et certains de vos collègues qui préconisez la transférabilité, ainsi que d’autres sénateurs dans la salle, vouez un culte au Règlement, comme si c’était la raison d’être de la transférabilité. Je fais simplement valoir que cela ne signifie rien, surtout si on prétend être aussi en faveur de la modernisation. Être en faveur de la modernisation n’équivaut pas à vouloir changer toutes les règles, mais, à tout le moins, cela devrait signifier que l’on est ouvert à la modification de certaines d’entre elles. Logiquement, cela implique que le fait de citer une règle pour défendre une pratique n’ajoute rien au débat, mais ne fait que réaffirmer le statu quo. Je n’y vois pas d’inconvénient, mais ce n’est pas en soi un argument en faveur de la transférabilité.

Je veux qu’on nous dise pourquoi la transférabilité est compatible avec la modernisation. C’est à cette idée que j’ai essayé de m’opposer dans mon discours. Je m’entretiendrai volontiers avec vous en privé et, si vous le voulez, nous pourrons repasser le discours afin de répondre aux autres volets de votre question.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Est-ce que le sénateur Woo accepterait de répondre à une question?

Le sénateur Woo : Oui.

La sénatrice Bellemare : Sénateur, lorsqu’on vous a appelé au Sénat, avez-vous été nommé dans un groupe ou avez-vous été nommé pour défendre les intérêts de votre région et ceux des Canadiens? Croyez-vous que le sénateur est à la base du Sénat ou que ce sont les groupes qui sont à sa base?

Quant à votre raisonnement, vous avez une façon de jouer avec les mots, et c’est magnifique, vous êtes comme un magicien. Cependant, il y a un problème de vision, car vous mettez le groupe au centre de tout, alors que c’est le sénateur qui doit être au centre du Sénat et que le groupe doit aider le sénateur. N’êtes-vous pas d’accord avec cela?

(1630)

[Traduction]

Le sénateur Woo : Pas du tout. Quand j’ai été nommé au Sénat, je n’ai pas été nommé au sein d’un comité en particulier. Ainsi, quand je suis arrivé au Sénat, j’ai appris que nous avons le droit de siéger à des comités. J’ai rapidement compris que, pour devenir membre d’un comité, il fallait être membre d’un groupe, par l’intermédiaire duquel les sièges étaient attribués. Quand je suis arrivé au sein du groupe, j’ai appris qu’il y avait un processus pour l’attribution des sièges, un processus qui semblait juste et transparent. Soit dit en passant, je n’ai jamais obtenu les sièges que j’avais choisis, et je suis le facilitateur. C’est vrai. Je l’accepte.

Ce n’est donc pas que le groupe est plus important que le sénateur. C’est que, en ce qui concerne les sièges aux comités, il faut qu’il y ait une façon de les attribuer. Et j’ai choisi d’opter pour le groupe qui avait un processus qui me semblait assez correct. Je me suis soumis à ce processus et j’ai perdu. Tant pis pour moi.

L’honorable Peter Harder : Chers collègues, c’est avec plaisir que je me joins au débat, mais brièvement, pour ajouter quelques observations en faveur de l’amendement proposé par la sénatrice Bellemare.

J’aimerais d’abord souligner que j’admire vraiment les leaders au Sénat. Leur tâche est loin d’être simple et le nombre de groupes complique les négociations. J’ai donc tendance ici à appuyer les ententes qui ont été conclues entre les leaders.

Le sénateur Plett : Bravo!

Le sénateur Harder : Toutefois, permettez-moi de souligner qu’il n’y a pas eu d’accord, car un des leaders n’y a pas consenti. L’appui du sénateur Plett est très important, mais il ne mène pas la barque tout seul.

Je tiens d’abord à dire que je respecte l’effort des leaders pour parvenir à un compromis. Je ne peux pas parler au nom de la sénatrice Cordy, mais je crois qu’un compromis aurait pu être atteint sur toutes les questions dont nous sommes saisis, à l’exception de celle-ci. Je suis stupéfait que les dirigeants aient choisi de débattre de la question au Sénat, d’une manière qui divise plutôt les sénateurs, au lieu de chercher à tenir compte de tous les points de vue et à en faire une question distincte, en particulier avec l’amendement qui ne met pas en conflit les présidents, les vice-présidents et les autres rôles de direction dans les comités.

Selon le sénateur Woo, nous ne devrions pas considérer le Règlement comme immuable. Je suis tout à fait d’accord avec lui. Cependant, je trouve que c’est tout un paradoxe que la première règle que nous voulons changer est celle qui souligne et renforce le rôle individuel des sénateurs et qui donne le pouvoir aux leaders.

Il s’agit d’un débat sur le pouvoir. Je comprends que les leaders trouvent que la gestion est plus facile s’ils ont le pouvoir. Pour ma part, je pense que le pouvoir revient aux sénateurs et que ces derniers devraient continuer à siéger à un comité une fois qu’ils y sont nommés. Je reconnais que s’ils quittent un rôle de leader, c’est différent, mais sinon, le fait de permettre aux sénateurs de conserver leur siège à un comité montre que nous sommes tous sur un pied d’égalité : nous avons tous été nommés ici au moyen du même processus et nous devons tous faire le même travail. Je préférerais que le pouvoir ne soit pas seulement entre les mains des leaders afin que les sénateurs puissent demeurer indépendants.

Dans le cadre des discussions tenues au sein des groupes et des caucus, ne serait-il donc pas sage de retirer cette proposition et de procéder selon le Règlement en vigueur?

Je tiens également à reconnaître que, lors de la dernière législature, nous avons accepté cette règle, c’est-à-dire que nous avons procédé à un ajustement temporaire pour mettre de côté la transférabilité. Cela a été fait, je tiens à le rappeler à tout le monde, avec l’accord de tous les dirigeants. En agissant maintenant sans leur accord, nous saperions et modifierions l’équilibre des pouvoirs au sein du Sénat. Je pense que ce serait de très mauvais goût.

Je comprends très bien que les leaders au Sénat veulent que nous débattions rapidement ou le moins possible de la motion et que nous l’adoptions sans tarder. Je pense que nous sommes tous impatients de reprendre les travaux des comités. Je ne propose pas de remettre le vote à plus tard, mais la tenue d’une séance à laquelle les sénateurs pourront participer à distance, la semaine prochaine, pour permettre à tous, y compris ceux qui ne sont pas présents aujourd’hui, de voter. Je n’essaie pas d’user de tactiques dilatoires; je fais une suggestion en tout respect.

Nous avons parlé de l’importance de faire participer ceux qui, pour différentes raisons liées à la COVID-19, ne peuvent pas être parmi nous. Donnons-leur l’occasion de s’exprimer. Encore une fois, je respecte les leaders au Sénat, mais je crois que, de temps en temps, il faut se dire « attendez un instant, nous voulons que tous les groupes participent et se sentent prêts à se prononcer sur la motion ». C’est d’autant plus important que l’on modifie le Règlement existant.

Cela dit, honorables sénateurs, j’espère que vous appuierez la motion de la sénatrice Bellemare. Je pense que la motion est novatrice et qu’elle est animée d’un esprit de compromis. J’espère qu’elle sera acceptée comme telle.

Le sénateur Plett : Ah, si nous pouvions revenir au bon vieux temps. Tout était tellement plus simple. On pouvait regarder un libéral, juste en face, et savoir qu’il était libéral et qu’il le resterait. Nous savions qui nous étions et pourquoi nous étions ici. Nous savions qui nous avait nommés, et nous avions promis à cette personne de rester fidèles à nos convictions. Pour sa part, la sénatrice Bellemare fait bien sûr partie des sénateurs nommés au sein d’un groupe particulier, envers lequel elle s’était engagée comme l’ont fait d’autres sénateurs.

Je me retrouve aujourd’hui dans une situation inhabituelle; je le dis avec du respect, un peu d’admiration et beaucoup d’humour. C’est la première fois que je peux répondre d’un « amen » vigoureux à tous les propos du sénateur Woo. Il y a sûrement là matière à félicitations et à célébration.

Le sénateur Harder et moi étions souvent d’accord. Il s’est d’ailleurs réjoui quand j’ai eu l’occasion de travailler avec lui, d’abord à titre de whip puis comme leader de mon caucus.

Une voix : Votre cousin, je crois.

Le sénateur Plett : C’est aussi mon cousin, en effet. Il aimait travailler avec moi. Il sait pertinemment que bon nombre d’ententes que nous avons conclues ne faisaient pas l’unanimité parmi les dirigeants des groupes parlementaires.

Honorables sénateurs, nous vivons encore dans une société démocratique, que je sache, et quand on nomme ou qu’on élit une personne à une fonction x, on lui confère du coup une certaine marge de manœuvre pour négocier en notre nom. Je suis très reconnaissant à mes collègues du caucus conservateur — et je suis très sérieux quand je dis ça — de la confiance qu’ils ont placée en moi quand ils m’ont demandé de négocier en leur nom. Ils me font confiance et j’ai leur appui. Est-ce à dire que nous sommes toujours d’accord? Non, nous avons notre lot de mésententes en privé, comme tous les autres groupes. Mais quand nous sommes en public, nous ne nous chamaillons pas. Est-ce à dire que les conservateurs votent toujours comme moi je le voudrais? Non, il y a eu des situations où ma position n’était pas la même que celle de mes collègues et où nous avons voté différemment. Je peux même vous dire que ce sera encore le cas très prochainement, même si ce n’est pas une perspective qui me réjouit.

Je tenais à dire quelques mots, même si je n’ai pas grand-chose à ajouter à ce que le sénateur Woo a déjà dit. Il s’était très bien préparé, mais pas moi. J’ai griffonné quelques mots ici et là pendant que j’écoutais les autres. Je crois me rappeler que le sénateur Mercer se demandait pourquoi cette question ne fait pas l’objet d’une motion distincte. D’ailleurs, nous avons essayé d’en obtenir une. J’ai proposé que l’on présente une motion distincte, et l’idée a été appuyée dans une certaine mesure. Cet appui s’est effondré parce que le plus petit groupe n’était pas d’accord et n’était pas favorable à la façon dont une motion distincte serait traitée.

(1640)

Il y avait une entente claire. Les quatre leaders s’étaient entendus sur la composition des comités, et les discussions sur la répartition proportionnelle des sièges avaient été très cordiales. Nous avions tous une calculatrice, et nous avions tous convenu du pourcentage accordé à chacun.

Ce n’était évidemment pas ce que voulaient les conservateurs. Pendant des années, nous avons vivement protesté et fait valoir que la proportionnalité n’était pas la bonne solution et que nous devions avoir plus de sièges. Cependant, nous avons fini par céder; en fait, nous y avons été contraints. Nous acceptons maintenant la proportionnalité, et les quatre leaders s’étaient entendus sur la répartition proportionnelle des sièges, sénateur Harder.

Tous les sénateurs ont le droit de faire partie d’un comité. Personne ne dit le contraire. Cependant, tous les sénateurs ne peuvent pas siéger au comité de leur choix, même dans mon caucus. Le sénateur Woo a expliqué en quoi les nominations se font différemment dans le Groupe des sénateurs indépendants.

Terry Stratton était whip lorsque j’ai été initialement nommé dans cette auguste enceinte. Terry venait de Winnipeg. Nous étions collègues et amis de longue date. Il a été le whip le plus strict avec lequel j’ai travaillé. Certains affirment que je suis ses traces en tant que whip et c’est peut-être vrai. Je respectais Terry. À mes débuts, il m’a dit : « Don, je veux que tu choisisses trois comités et que tu inscrives leur nom sur un bout de papier. Nous demandons à tous de faire trois choix. Tu obtiendras peut-être l’un de tes choix, mais pas deux. » Selon sa règle, un sénateur n’obtenait pas deux de ses choix. Je lui ai demandé : « Et si personne ne veut des trois comités que j’ai demandés? » Il a répondu : « Tu ne les obtiendras pas. Tu n’en auras qu’un seul. » Il en a été ainsi. C’était sa façon de fonctionner.

Nous demandons à tous nos sénateurs de faire la liste des comités qu’ils souhaitent. L’équipe de direction décide à quel comité ils siégeront. Ils obtiennent tous un comité de leur choix. Tous les sénateurs méritent d’en avoir un.

La sénatrice Saint-Germain a dit qu’ils avaient accepté de céder deux sièges de comité au bureau du représentant du gouvernement. Nous avons accepté de céder un siège à une sénatrice non-affiliée. Si cette sénatrice change de statut, elle ne conservera pas le siège au comité.

Des sénateurs ont déjà quitté notre caucus. La sénatrice Bellemare a affirmé que personne ne prévoit de changer de groupe, que ce n’est pas prémédité. C’est tout sauf exact. Ces changements sont évidemment planifiés. Des gens ont quitté notre caucus en ayant tout planifié et ils ont gardé leur siège au comité. À un autre moment, nous avons su que des gens pourraient changer de groupe, et nous avons fait en sorte de garder le siège au comité.

Je sais que le sénateur Woo peut confirmer qu’une personne a quitté son groupe et qu’elle a conservé son siège. La situation était désavantageuse pour le groupe, mais nous nous en sommes réjouis parce que cette personne votait en général comme nous dans ce comité. Nous en étions bien heureux. J’ai peut-être même dit à la personne : « Ne leur dites pas à l’avance que vous partez. » Nous avons tous recours à ce genre de tactiques.

Le fait de changer d’allégeance a des répercussions. La sénatrice Bellemare a parlé du Sénat américain. Je ne suis pas certain de comprendre pourquoi elle l’a choisi comme exemple, mais je l’ai noté. Je me demande quels sont les points de comparaison. Elle a dit qu’aucun groupe ne détient la majorité au Sénat américain. Ce n’est bien évidemment pas le cas. Les deux partis luttent en ce moment pour obtenir une majorité au Sénat. Nous pouvons tous espérer que le bon côté va l’emporter, et nous pourrons alors envoyer nos félicitations au président Trump.

Tous les sénateurs méritent d’avoir un siège. Chacun devrait en avoir un. Toutefois, chers collègues, dans les cas où les sénateurs prennent un engagement — je pense surtout aux petits groupes —, je ne comprends vraiment pas pourquoi les libéraux ou les sénateurs du groupe progressiste ne voudraient pas de cette approche. S’ils perdent un membre, ils perdent leur présence au comité; ils n’ont personne.

Une voix : En principe.

Le sénateur Plett : Ce ne serait pas une bonne chose. Si ces groupes perdent un seul membre, ils ne seront plus représentés au comité. Si cela se produit, la première chose qu’ils diront, c’est qu’ils possèdent un nombre suffisant de membres et qu’ils méritent d’avoir un siège au sein des comités, et ils auront raison. C’est ce que fait la motion. Elle n’oblige pas les sénateurs à voter comme leur groupe veut qu’ils votent. Elle les oblige seulement à y siéger comme membres du Groupe des sénateurs indépendants, du Groupe progressiste du Sénat ou du Groupe des sénateurs canadiens.

Nous sommes tous honorables, du moins c’est le titre qu’on nous donne, mais cela n’a pas empêché certains sénateurs de conserver leur siège après avoir quitté leur groupe. D’autres feront de même à l’avenir. Comme je l’ai dit, il y a des sénateurs qui savaient pertinemment qu’ils allaient quitter notre caucus et qui ont conservé leur siège après leur départ.

Le sénateur Tannas était membre du caucus conservateur, et il devrait encore l’être. Après tout, il a été élu comme conservateur. Toutefois, il a fait une chose pour laquelle je lui suis vraiment reconnaissant. Le vendredi avant qu’il devienne membre fondateur du Groupe des sénateurs canadiens, le sénateur Tannas m’a appelé. Je me présentais comme leader de l’opposition la semaine suivante, et le sénateur Tannas m’a dit : « Don, si je quitte le caucus, je le ferais avant le vote parce que je ne devrais pas voter, influencer la décision, puis m’en aller quelques jours plus tard. » Il m’a informé de ses intentions. C’était pendant une période de relâche. Aucun comité ne siégeait, alors ce n’était pas un problème.

Une voix : À part le Comité de la régie interne, n’est-ce pas?

Le sénateur Plett : C’est exact. Le sénateur Tannas a perdu son siège à ce comité.

Chers collègues, je ne veux pas répéter ce que j’ai déjà dit ou ce que le sénateur Woo a dit, mais toute cette affaire a fait l’objet de négociations. Nous voulions créer une motion distincte. Tout ce que nous cherchions à obtenir, honorables sénateurs, c’était un engagement. Le sénateur Harder a dit qu’il ne fallait pas retarder le processus. Nous voulions la promesse qu’un vote aurait lieu.

Les comités doivent recommencer leurs travaux, car nous aurons bientôt des projets de loi à leur renvoyer. Pourquoi l’opposition nous demande-t-elle de former des comités? Ce n’est pas la responsabilité de l’opposition de veiller à ce que les comités puissent faire leurs travaux. C’est la responsabilité du leader du gouvernement au Sénat.

La raison pour laquelle je fais cela, c’est parce que j’ai dit au leader du gouvernement que s’il voulait l’appui des conservateurs pour toutes les mesures législatives qui seront présentées à l’avenir, ces dernières devaient faire l’objet d’un examen en comité. Je lui ai dit que nous n’adopterions plus de projets de loi à la hâte comme nous l’avons fait par le passé. Si je dis cela au leader du gouvernement, je dois aussi dire que je ne tenterai pas d’empêcher la formation de ces comités et la réalisation de leurs travaux. Le temps presse.

C’est avec énormément de respect que je dis que oui, nous aurons éventuellement des séances hybrides. C’est ce qu’on essaie de faire. La motion a été adoptée.

Parlons des appels Zoom. Hier, pendant un appel Zoom, il y a eu des problèmes techniques. Ce serait naïf de penser que nous n’éprouverons pas de problèmes techniques au cours des prochains jours et des prochaines semaines. C’est inévitable.

Comme je l’ai dit hier quand j’ai pris la parole au sujet de la motion sur les séances en format hybride, et je dis cela avec le plus grand des respects, mis à part ceux qui devaient rester chez eux pour des raisons liées à la COVID-19 ou parce qu’ils sont malades, tous les sénateurs avaient la possibilité d’être ici cette semaine pour voter à l’égard de cette motion, mais beaucoup nous ont donné le droit de voter en leur nom. Voilà ce que nous devons faire. Il est urgent de mettre aux voix cet amendement. Ensuite, il faut mettre aux voix la motion principale de manière à former le Comité de sélection pour que ce dernier puisse constituer les autres comités et que nous soyons prêts à étudier les projets de loi du gouvernement qui s’en viennent. De nombreux collègues souhaiteront envoyer leurs projets de loi d’initiative parlementaire à un comité. Or, ces études ne se feront que si nous démarrons les comités.

(1650)

Chers collègues, on nous a déjà dit de ne pas tarder. Nous tentons de progresser, et je suis convaincu que tous les sénateurs feront, à tout le moins, ce que disent bon nombre de nos collègues. Le sénateur Dalphond me répète sans cesse : « Tout ce que je demande, c’est que vous laissiez le Sénat se prononcer. Oubliez les pauses pour le dîner, les sonneries et l’obstruction et laissez la mesure être mise aux voix. » Je suis d’accord avec le sénateur Dalphond dans ce cas-ci. Passons au vote. Merci, chers collègues.

Une voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Sénatrice McPhedran, aviez-vous une question?

La sénatrice McPhedran : Oui.

Sénateur Plett, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Plett : Oui.

La sénatrice McPhedran : Ma question concerne certains termes que vous avez employés dans votre discours et sur certains termes que vous avez employés hier également. Plus précisément, vous avez parlé des sénateurs qui ne peuvent être présents avec nous. C’est une très bonne chose, sénateur Plett, que vous ayez reconnu aujourd’hui que certains sénateurs ne peuvent être avec nous. Ils ne peuvent pas être présents parce que nous sommes dans un environnement où le risque d’éclosion est bien réel et que cela mettrait en danger leur santé ou ils ne peuvent être présents pour des raisons légales.

La deuxième partie de ma question concerne ce que vous avez dit au sujet du fait que les sénateurs qui ne sont pas ici nous permettent de voter en leur nom. Sénateur Plett, ne serait-il pas plus exact de dire que les sénateurs qui ne peuvent pas être sur place sacrifient leur droit d’être ici? Ils ne nous laissent pas voter en leur nom. Ne sacrifient-ils pas leur droit d’être ici précisément en raison de leur dévouement pour que nous puissions régler des questions pressantes qui, pour le moment, ne peuvent être réglées qu’à l’intérieur de l’enceinte du Sénat?

Le sénateur Plett : Premièrement, sénatrice McPhedran, en ce qui concerne les termes que vous utilisez et vos accusations concernant ce que j’ai dit, la sénatrice Moodie m’a demandé hier si je convenais que les gens ayant des problèmes comme un système immunitaire affaibli devraient pouvoir utiliser Zoom ou d’autres outils — d’ailleurs, ce n’est pas Zoom dans le cas des séances hybrides —, et j’ai répondu « oui » sans réserve. J’étais d’accord avec elle, et je le suis encore aujourd’hui. Je m’inscris en faux contre votre affirmation contraire.

Pour ce qui est des sénateurs qui nous permettent de voter en leur nom, je parle au nom de mon caucus. Personne n’a renoncé à son droit d’être ici. Ils ne sont pas présents pour différentes raisons, mais ils pourraient venir s’ils le voulaient et ils nous ont permis de voter en leur nom en tant que collègues de leur caucus.

La sénatrice McPhedran : Merci, Votre Honneur. Puis-je vous poser une question, sénateur Plett? D’après la transcription qui nous a été offerte, n’avez-vous pas dit: « Rien n’empêche les sénateurs de venir à Ottawa pour prendre part aux débats »?

Le sénateur Plett : Cela n’a rien à voir avec le débat actuel. Puisque vous essayez de me prêter des propos, c’est probablement ce que j’ai dit. Lorsque la sénatrice Moodie m’a posé la question, je me suis repris dans ma réponse à sa question.

Le sénateur Housakos : Merci, Votre Honneur. J’interviens brièvement au sujet de l’amendement de la sénatrice Bellemare.

Je pourrais justifier sans problème un vote pour ou contre l’amendement. Ce qui me pose problème par contre, c’est tout le temps que nous consacrons aux questions d’organisation dans ce nouveau Sénat réformé par Trudeau. C’est extraordinaire. C’est sans précédent. Nous avons été convoqués ici pour étudier les projets de loi du gouvernement, exiger des comptes du gouvernement et débattre de motions et d’interpellations qui revêtent de l’importance pour les régions du pays que nous représentons. C’est pour cette raison que nous sommes venus ici.

Nous ne sommes pas venus ici pour consacrer des heures et des jours à nous organiser. Toutes ces questions ont été réglées dans le système parlementaire de Westminster. J’en ai déjà parlé. Ce système est très bien conçu et fonctionne très bien. Que chacun de nous retourne dans son caucus respectif et règle ces questions. Puis, que les leaders se rassemblent et parviennent à une entente. C’est pour cela qu’ils sont payés.

Non, les sénateurs ne sont pas tous simplement des sénateurs. Je regrette, sénatrice Bellemare. Vous n’étiez pas simplement une sénatrice. Vous étiez la leader adjointe du gouvernement. Le sénateur Gold n’est pas simplement un sénateur. Il représente le gouvernement au Sénat.

Le sénateur Plett n’est pas qu’un simple sénateur, il représente l’opposition officielle au Parlement. Voilà la réalité. Le Président est notre égal dans le sens qu’il est assujetti aux mêmes processus dans cet endroit, mais son statut est différent et quelque peu diplomatique puisqu’il représente cette enceinte et qu’il a été nommé par le gouvernement.

L’autre point que je veux souligner, chers collègues, c’est que le Sénat n’est pas formé de représentants élus. Il représente plutôt un amalgame de la Chambre des communes, du Parlement de Westminster et de la Chambre haute. Le Sénat a été conçu pour que des personnes y soient nommées. C’est pour cette raison, par exemple, que le Président n’est pas élu. C’est l’une des seules Chambres parmi les Parlements de tradition britannique qui ne procède pas à l’élection de son Président, parce qu’elle n’est pas formée d’une assemblée élue.

Nous sommes un organe politique, même si le gouvernement de l’heure ne veut pas l’admettre. Il y a des gens dans cet endroit qui assurent un leadership, mais malgré cette mascarade et cette impression d’indépendance, cet endroit n’est pas devenu plus indépendant. Selon la définition de l’indépendance du Parlement de Westminster, les parlementaires indépendants ne font pas partie d’un caucus. Peu importe que le caucus ait un nom ou pas, qu’il s’appelle le Groupe des sénateurs canadiens ou le Groupe des sénateurs indépendants, il s’agit tout de même d’un caucus. Les sénateurs qui font partie de groupes de la sorte ne sont pas réellement indépendants — ils font partie de ce caucus.

C’est pourquoi je ne vois aucun problème fondamental dans votre proposition, mais, du même souffle, je dois dire que je comprends le sénateur Woo et le sénateur Plett, parce que nous avons donné à nos caucus respectifs, lorsque nous avons décidé de nous joindre à eux, certains privilèges. Les sénateurs Tannas, Plett et Woo ont certains privilèges lorsqu’ils négocient sur le fondement de la proportionnalité.

Les comités sénatoriaux ont toujours été formés sur le fondement de la proportionnalité. Il n’est pas question d’élections; cela s’est toujours fait par nomination. Nous-mêmes avons été nommés par des premiers ministres. En principe, si nous le voulons, il serait possible d’élire les présidents et vice-présidents des comités, mais cela signifierait de devenir tous indépendants, pas seulement de façon théorique, et de supprimer les caucus et les postes de leaders. Est-ce ce que vous proposez, sénatrice Bellemare? Il y a déjà quatre caucus. Les membres du Groupe des sénateurs canadiens et leurs leaders n’arrivent pas à accepter certaines choses parce qu’ils n’acceptent pas la décision prise par la majorité.

Je sais que, au sein de notre caucus, nous n’avons pas peur de confronter nos idées. Nous débattons et nous discutons, mais, en fin de compte, le leader prend une décision et s’il est en poste, c’est qu’il a l’appui de la majorité du caucus.

Après, si la minorité n’est pas contente, elle peut bouder ou aller rejoindre le Groupe des sénateurs canadiens ou le Groupe progressiste du Sénat. C’est ainsi que cela fonctionne. Arrêtons de perdre notre temps.

Quand je parle à d’anciens sénateurs — les géants de cet endroit quand je suis arrivé, le sénateur Cowan, le sénateur Joyal et le sénateur Tkachuk, ils me demandent s’il nous arrive de travailler pour le compte des contribuables.

Le secteur de l’énergie de l’Ouest du pays souffre. La COVID ronge notre économie. Nous avons approuvé ici un demi-billion de dollars en dépenses sans contrôle parlementaire. Aucun. Ni ici ni à l’autre endroit. Nous avons une bonne excuse, nous sommes en pleine pandémie, mais les Canadiens vont tout de même en subir les conséquences pendant les 20 prochaines années.

Il y a des choses qui se passent dans le monde, dans la République d’Artsakh, à Hong Kong. Nous n’en débattons pas. Nous les abordons à peine. Nous allons cependant consacrer trois ou quatre heures à de simples questions d’organisation et voter sur ces questions.

Chers collègues, nous sommes nommés au Sénat. Nous pouvons choisir le parti ou le caucus dont nous voulons faire partie et débattre de questions parmi les membres du caucus, et nous vivons selon le principe « parfois on gagne, parfois on perd ». C’est le processus. Il ne s’agit pas de notre tâche principale au Sénat. Notre tâche principale est de représenter nos provinces, les minorités, les peuples autochtones et les groupes qui défendent des intérêts particuliers comme l’autisme. C’est ce que nous faisions ici auparavant. Il y a 15 ou 20 ans, le Sénat produisait des rapports historiques, lançait des interpellations historiques et tenait des débats historiques dont les gouvernements tenaient compte. À quand remonte la dernière fois que le premier ministre ou les ministres ont tenu compte d’une interpellation ou d’une motion du Sénat?

Si nous continuons à nous regarder le nombril et à tenir de faux débats comme celui-ci qui devraient avoir lieu en coulisses — le modèle de Westminster a été conçu pour être très britannique et très correct; les discussions oiseuses sont censées avoir lieu dans les réunions de caucus en coulisses et non pendant les débats dans l’enceinte de l’institution que les Canadiens regardent et dont ils paient les dépenses. Le Sénat devrait avoir des débats de fond sur des questions de fond.

Avant que nous nous lancions dans ce processus de réforme, je vous implore tous encore une fois de vous pencher sur certaines des choses qui fonctionnent afin de ne pas changer ce qui n’a pas besoin de l’être. Changeons les choses qui doivent être changées, mais n’allons pas changer quelque chose qui n’a pas besoin de l’être simplement parce qu’un politicien a décidé d’en faire un outil politique parce que cela sert ses intérêts du moment.

(1700)

Chers collègues, passons à un vote. Prenons cette décision et passons à autre chose parce que, d’une façon ou d’une autre, cela ne va pas changer grand-chose sauf permettre à un certain nombre de sénateurs de se sentir plus à l’aise de parler plus librement pendant des réunions de comités.

Chers collègues, je rappelle constamment à tout le monde que leur indépendance découle de leur mandat : les sénateurs sont nommés jusqu’à l’âge de 75 ans. Si les dirigeants de votre groupe vous poussent à appuyer une mesure avec laquelle vous êtes mal à l’aise, vous pouvez siéger comme indépendant. Les sénateurs le font depuis des années. En ce moment, peu de sénateurs sont vraiment indépendants. Je ne connais pas le statut de tout le monde, mais je crois comprendre qu’il y a trois ou quatre sénateurs indépendants. Tous les autres sénateurs siègent au sein d’un caucus ou d’un groupe. Sénatrice Bellemare, vous devez accepter que votre caucus prenne parfois des décisions collectives que vous aimerez et d’autres que vous n’aimerez pas. Ne croyez pas que toutes les décisions prises par le sénateur Plett et mon caucus me plaisent. Néanmoins, je prends la décision de faire des compromis ou de faire des pressions sur mon caucus, où je lui dis : « Je n’adhère pas à cette idée. » Par contre, le parquet du Sénat n’est pas l’endroit pour agir de la sorte. Merci, chers collègues.

[Français]

L’honorable Dennis Dawson : Comme vous le savez, monsieur le sénateur, ensemble, nous avons été capables de conclure des ententes pour régler des problèmes, parce que nous avons négocié. Nous voulons négocier. Nous n’avons pas demandé grand-chose. Nous avons demandé de tenir un vote mardi prochain, avec la participation de tous les sénateurs, sur les séances hybrides. Personne ne pensait que nous allions en arriver à cela aujourd’hui. Il n’y a pas d’urgence. Il n’y a pas de projet de loi devant nous. Je ne veux pas que vous donniez aux Canadiens l’impression que nous retardons l’adoption de projets de loi. Nous pouvons reprocher à l’autre endroit d’avoir du retard, mais je ne crois pas qu’on ait posé quelque geste que ce soit pour retarder les choses.

J’aimerais que vous fassiez une rectification. Nous n’avons pas retardé l’adoption de projets de loi. Ne croyez-vous pas qu’il serait normal d’accepter que tous les sénateurs, lors de la séance hybride mardi prochain, puissent avoir la parole pour donner leur opinion? Vous avez dit plus tôt qu’« un sénateur est un sénateur », mais le seul moment où il ou elle a vraiment un statut de sénateur, c’est quand il ou elle vote. De plus, ils ou elles ne sont pas ici. Mardi prochain, au moment de la séance hybride, ils auront le droit de voter sur une motion que nous estimons essentielle, qui concerne la liberté de « portabilité » d’un poste de sénateur. J’appuie la motion de la sénatrice, selon laquelle les postes de direction devraient être contrôlés par la direction. À l’époque, je faisais partie de la direction d’un caucus et j’y ai participé, mais je pense que la « portabilité » est un principe.

Avez-vous un exemple de projet de loi qui a été retardé? Ne pensez-vous pas qu’il serait normal de donner aux absents la possibilité de voter mardi prochain?

Le sénateur Housakos : Sénateur Dawson, je n’ai pas dit que l’adoption de projets de loi du gouvernement a été retardée, mais nous donnons une mauvaise image de nous aux Canadiens sur des choses substantielles. Par exemple, depuis quelques mois, nous avons dépensé 353 milliards de dollars et nous n’avons pas fait la vérification appropriée. C’est une question de processus, et nous passons des heures à tenir un débat sur un processus qui a été mieux géré dans chacun des caucus. C’est le seul argument que j’ai défendu. Je suis tout à fait d’accord avec vous, sénateur Dawson, nous travaillons ensemble depuis des années et cette Chambre a une longue histoire à titre de Chambre de consensus.

Je suis tout à fait d’accord avec vous pour dire que si, par exemple, nous n’obtenons pas le consensus, nous pouvons retarder la décision d’une semaine. Ce ne serait pas la fin du monde. Je suis bien davantage d’accord avec vous qu’avec les leaders. D’autre part, si les leaders en sont arrivés à une entente et que cette entente est appuyée par leur caucus, il faut respecter cela. Sinon, nous allons toujours retomber dans des discussions qui ne mènent nulle part. À part les projets de loi du gouvernement, il y a autre chose que nous pouvons faire pour ce qui est d’exercer une supervision sur le gouvernement. Nous sommes confrontés à une pandémie, à une crise monumentale au Canada. A-t-on fait des efforts, depuis les six derniers mois, pour voir si le gouvernement a répondu adéquatement à cette pandémie? Y a-t-il des éléments qui peuvent être améliorés? Le gouvernement a-t-il bien dépensé les 350 milliards de dollars provenant de l’argent des contribuables canadiens? Y a-t-il des travaux que cette Chambre aurait pu mener pour s’assurer que l’argent a été dépensé comme il se doit? Nous n’avons pas fait cela, mais aujourd’hui, nous y passons des heures. Nous sommes ici ce soir. Nous ne siégeons pas souvent. Il y a des motions intéressantes des sénatrices Pate et Moodie à l’ordre du jour dont nous devrions discuter. Il faut faire notre travail. Voilà mon seul argument.

Le sénateur Dawson : Je suis d’accord. Toutefois, vous avez dit « peut-être la semaine prochaine ». Pourquoi, alors, ne pas accepter de remettre la question à l’ordre du jour mardi prochain et d’obtenir un consensus pour être en mesure de régler le problème? Pour nous, c’est une question de principe. Ce n’est pas une question de « procédurite » ou de « taponnage ». C’est une question de principe : nous pensons que les sénateurs, comme le propose la sénatrice Bellemare, devraient avoir la possibilité de quitter un comité. Quitter un caucus et garder un siège au sein d’un comité, plusieurs l’ont fait et personne n’en est mort. Nous demandons que cette disposition soit maintenue et nous croyons que ceux qui sont absents devraient avoir le droit de parole.

Le sénateur Housakos : Sénateur Dawson, je n’ai jamais dit que j’étais contre l’amendement de la sénatrice Bellemare.

Je crois que votre argument a du sens. Tout ce que je dis, c’est que, en même temps, nous avons accordé le pouvoir à nos leaders. Quand nous devenons membres d’un caucus, nous permettons à nos leaders de négocier pour chaque membre, et vous avez fait la même chose. Comme je le dis, pour ma part, je n’ai pas de réticence à retarder tout cela d’une semaine. On peut même tout retarder de trois semaines. Ce n’est pas la fin du monde. Nous avons des choses plus importantes à faire ici. En même temps, je dis que j’ai délégué à mon leader la possibilité de négocier en mon nom, et je pense que tout le monde a fait de même. Je trouve étrange qu’un membre du GSI soit carrément contre son propre caucus, car, si j’ai bien compris, toute cette discussion a eu lieu au sein de ce caucus plusieurs jours avant que nous nous retrouvions ici. C’est le seul argument que je voulais présenter.

[Traduction]

L’honorable Patricia Bovey : Honorables sénateurs, j’hésite à me lancer dans le débat, car tant de choses ont déjà été dites. Je souscris à une grande partie de ce qui a été dit.

Je tiens à dire que nous représentons tous, chacun d’entre nous, des Canadiens. Nous représentons nos régions respectives. Nous sommes ici pour travailler au nom des Canadiens et des régions.

Monsieur le sénateur Housakos, je suis d’accord avec vous; le Sénat a lancé de grandes interpellations. J’ai eu le privilège de participer à plusieurs d’entre elles et ce fut un travail très gratifiant.

J’appuie l’amendement proposé par la sénatrice Bellemare. Je suis totalement d’accord : si un sénateur change de groupe parlementaire, il devrait être en mesure de garder son siège à un comité. La présidence a déjà rendu des décisions à ce sujet, notamment le 9 juin 2007, bien avant mon arrivée au Sénat; la présidence a tranché en ce sens.

Cependant, je crois fermement que chaque sénateur a le droit de s’exprimer et de voter. Sur ce, Votre Honneur, j’espère que nous pourrons voter la semaine prochaine, lorsque nous tiendrons des séances hybrides. Je comprends que certains sénateurs ne peuvent pas être présents parce qu’ils craignent pour leur santé ou celle des autres ou parce que les règles sanitaires dans leur région les empêchent d’être dans cette enceinte. Alors, nous devrions leur donner la possibilité de participer.

La sénatrice Saint-Germain a parlé du principe de l’équité, que j’applaudis. Je pense que la motion renforce ce principe. Nous avons parlé du principe de l’égalité. Je crois que tenir le vote à un moment où tout le monde aura l’occasion de prendre la parole et de voter respecte le principe de l’égalité.

Je n’accepte pas la motion, telle qu’elle a été présentée, comme une motion qui renforce l’égalité. Je ne crois pas que la motion, telle que présentée, avant l’ajout de l’amendement, visait la modernisation. Bien franchement, j’y vois un recul. Je ne comprends pas comment, en enlevant aux sénateurs leur droit à l’individualité, ce serait un changement utile. Si l’on veut vraiment parler de changement, il faudrait discuter des rôles des sénateurs. Ainsi, je ne peux pas voter pour l’adoption de la motion telle qu’elle a été présentée, mais j’accepte l’amendement.

(1710)

Certains pays érigent des murs et voyez ce que ça donne. Selon moi, les murs sont loin de favoriser le débat. Ils ne favorisent pas non plus la compréhension mutuelle. Les murs ne font rien pour inciter les gens à s’ouvrir à l’autre et à faire du monde un endroit meilleur. Pour tout dire, le mot « mur » n’évoque absolument rien de positif dans mon esprit.

Je crains que, sans l’amendement de la sénatrice Bellemare, nous ne nous mettions à bâtir des murs entre nous, et je ne crois pas que cela nous aiderait à mieux servir les Canadiens. J’ose espérer que le Sénat du Canada renoncera à ce mur-ci et qu’il décidera plutôt de favoriser l’instauration d’un climat positif où chacun peut contribuer de manière constructive aux débats.

Je suis venue ici pour tendre la main aux gens d’en face. Jusqu’ici, nous avons réussi. Je suis fière des groupes spéciaux que nous avons pu créer depuis le début de la pandémie, car ils ont fait ressortir l’esprit de collaboration des sénateurs, sans que cela empêche les groupes permanents d’attirer l’attention de l’assemblée sur les problèmes que la pandémie a occasionnés aux différents secteurs et régions.

Chers collègues, le moment est venu de revenir aux principes de justice, d’égalité et de liberté d’association que garantit la Charte canadienne des droits et libertés. La liberté de mouvement est absolument fondamentale, et si notre institution est incapable de le reconnaître et empêche les sénateurs de s’en prévaloir, je crois que nous ne donnons pas un bon exemple aux Canadiens.

Je souscris à ce que la sénatrice Cordy a écrit dans son article du Hill Times. Selon moi, la modification proposée par la sénatrice Bellemare sera utile et assurera une modernisation axée sur l’égalité, l’équité et la proportionnalité. Merci.

Son Honneur le Président : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Le sénateur Mercer : Accepteriez-vous de répondre à une question?

La sénatrice Bovey : Oui.

Le sénateur Mercer : Tout le monde parle de justice et de représentation. Je jette un coup d’œil autour de moi. Je viens de la Nouvelle-Écosse. Il y a 10 sénateurs de la Nouvelle-Écosse. Combien d’entre nous ici viennent de la Nouvelle-Écosse? Il y a une personne. Combien de personnes viennent du Nouveau-Brunswick? J’en vois deux. Combien de personnes viennent de l’Île-du-Prince-Édouard? Trois. Combien viennent de Terre-Neuve-et-Labrador? Trois. Nous avons donc sept ou huit personnes du Canada atlantique.

Durant mon absence, au début, j’étais en isolement, ce qui a été une source de frustration. À mon retour, j’ai dû m’isoler pendant deux semaines. Je vais demeurer ici cette semaine et je serai présent la semaine prochaine, mais, lorsque je rentrerai chez moi, je devrai passer deux semaines en isolement. Être en isolement durant l’été ne m’a pas dérangé. Je vis dans un bel endroit, près d’un beau lac, et je pouvais m’isoler sur mon bateau au milieu de l’eau si je le désirais. Tout allait bien.

Étant donné que nous devons nous prononcer régulièrement sur les règles et les lois qui touchent tous les Canadiens, est-il vraiment juste que certains d’entre nous soient désavantagés en ne pouvant pas venir ici parce que leur situation géographique et les règles de leur province les obligent à s’isoler? La procédure hybride qui sera en place mardi prochain est très importante pour nous, car au lieu de voir seulement une personne de la Nouvelle-Écosse voter ici mardi prochain, je m’attends à en voir sept ou huit, ce qui veut dire que ma province sera bien mieux représentée grâce à la procédure hybride. C’est aussi vrai pour les autres provinces de l’Atlantique. Je n’ai pas fait le calcul pour toutes ces provinces.

La sénatrice Bovey : Je suis d’accord avec vous, et je pense que nous devons prendre conscience des difficultés éprouvées par des gens comme la sénatrice du Yukon, qui n’est pas ici. Je crois donc que vous avez tout à fait raison. Par souci d’équité, nous devons donner à tous la possibilité de voter, et c’est pour cela que nous avons convenu de mettre en place une procédure hybride.

[Français]

L’honorable Pierre J. Dalphond : Honorables sénateurs, je n’avais pas l’intention d’intervenir à ce sujet aujourd’hui, mais beaucoup de choses ont été dites et j’ai beaucoup aimé entendre les commentaires de part et d’autre. J’ai remarqué qu’ultimement, tout se résume en bien peu de choses. D’une part, on parle de principes d’interprétation.

Certaines personnes, qui ne sont pas des juristes, nous disent que les principes d’interprétation veulent que l’exception ait préséance sur la règle. J’aimerais vous rappeler, chers collègues, que l’article 12-2 du Règlement, qui tire son origine de l’article 60, a été adopté en 1982, soit il y a plus de 40 ans. Cet article est clair. L’article 12-5, auquel le sénateur Woo s’accroche pour écarter les membres de son comité qui ne font pas son affaire, n’a été adopté qu’en 1983, soit 18 mois plus tard que la règle principale.

Cette règle principale, c’est celle qui nous guide. Pourquoi est-elle la règle principale? Parce que le Comité de sélection, lorsqu’il est nommé, a pour mission de recommander des hommes et des femmes, membres de cette Chambre, pour siéger au sein des différents comités du Sénat. Lorsqu’ils ont été nommés... Ils ne sont pas nommés par le Comité de sélection ni par les groupes qui sont allés faire des représentations au Comité de sélection. Ils sont nommés parce que le rapport du Comité de sélection a été déposé ici, dans cette Chambre, et qu’il a été adopté par le Sénat. L’article 12-2 le dit en toutes lettres :

[Traduction]

Les sénateurs restent en fonction pour la durée de la session. Un sénateur est nommé par le Sénat parce que le Sénat juge qu’il est capable de faire le travail au comité en question. Le sénateur doit alors rester en fonction jusqu’à la fin de la session. Normalement, les sessions ne durent pas quatre ans comme dans la législature précédente, mais c’est la règle.

Ce n’est pas le groupe qui nomme un sénateur à un comité. En fait, je suis choqué d’entendre ce genre de propos. Le sénateur Woo a affirmé que les sièges sont obtenus par l’entremise des groupes. Non, sénateur Woo, ce n’est pas le cas. Leur attribution passe peut-être par le mécanisme des groupes, mais ce n’est pas vous ou votre groupe qui les distribue. Les sièges sont attribués par le Sénat dans son ensemble, le Sénat en tant qu’institution. C’est le Sénat qui accorde sa confiance et qui peut la retirer, et non pas les leaders des groupes. C’est le principe de base de l’article 12-2 du Règlement.

D’ailleurs, on peut considérer le mode de fonctionnement de l’autre endroit, qui compte de nombreux partis. Saviez-vous que dans l’autre endroit, le chef de votre parti ne peut pas vous renvoyer d’un comité une fois que vous y êtes nommé par la Chambre des communes? Vous pouvez être remplacé, mais il s’agit d’un remplacement temporaire, et une fois que vous êtes en mesure de reprendre vos fonctions — que vous aviez quittées en raison d’une absence, d’une maladie ou d’un autre motif — vous reprenez votre siège. Seule la Chambre des communes peut prendre la décision de vous remplacer, mais seulement après qu’elle aura été saisie d’un rapport rédigé par le comité en question et qu’elle aura passé aux voix. Nous le savons.

Il est arrivé que des députés changent de parti. L’une est passée du Parti libéral au Parti conservateur. Je suis convaincu que cela en a réjoui quelques-uns. À l’époque du gouvernement Martin, une autre a quitté les conservateurs pour se joindre aux libéraux. Je suppose que cela en a réjoui d’autres. Je peux vous nommer un député de Repentigny qui a abandonné le NPD pour se rallier au Bloc québécois. Ces députés ont gardé leur place aux comités où ils siégeaient pendant encore six semaines, un mois et trois mois, jusqu’à ce qu’un rapport du comité de sélection de la Chambre des communes propose qu’ils soient remplacés, que ce rapport soit mis aux voix par la Chambre des communes et adopté. Voilà le principe.

Or, ici, motivés par le désir de s’emparer de la plus grande partie du pouvoir, certains leaders considèrent que l’exception prévue dans le Règlement constitue le principe directeur. C’est une perversion totale du libellé.

L’article 12-2(3) du Règlement est le principe, et c’est ce principe que je défends aujourd’hui. Ce principe repose sur l’idée que, lorsque cet endroit nomme une personne à un comité, il investit sa confiance en cette personne, et seul cet endroit peut lui retirer cette confiance — pas les leaders ni les groupes.

(1720)

Je crois que, si nous voulons procéder à la modernisation du Sénat, nous devrions opter pour plus d’indépendance. On m’a demandé de devenir sénateur. Il m’a fallu du temps avant d’accepter la nomination, parce que j’avais certains doutes concernant le Sénat. Je m’interrogeais sur ses pratiques archaïques et sur le vieux duopole et je me demandais s’il n’était pas temps de réformer le Sénat. J’ai pris une semaine avant de dire au premier ministre que j’acceptais. Je ne sais pas si ce fut la même chose pour la plupart d’entre vous, mais il m’a fallu une semaine. En fin de compte, j’ai dit oui, j’accepte, parce que je crois que le Sénat peut être réformé, parce qu’il a un rôle à jouer qu’il n’a pas joué par le passé en raison du duopole, de la dictature des deux principaux partis.

Il ne devrait pas en être ainsi. Il faut que cela cesse. L’indépendance de chacun des sénateurs est vitale à la survie de cette institution. Ce que la direction du Groupe des sénateurs indépendants propose est contraire à ce que nous cherchons à accomplir dans notre réforme.

Je suis vraiment déçu de voir que la direction du Groupe des sénateurs indépendants s’en remet aux habitudes des anciens conservateurs. C’est surprenant de voir ce groupe se transformer en un groupe qui dit vouloir s’opposer aux conservateurs, mais qui choisit de fonctionner comme eux.

Le temps est venu pour nous tous de faire un choix. Croyons-nous aux changements? Si oui, nous devons appuyer l’amendement proposé par la sénatrice Bellemare. Merci.

Son Honneur le Président : Sénateur Plett, vous avez une question?

Le sénateur Plett : Sénateur Dalphond, vous avez été très clair sur le fait que personne ne vous avait nommé à un comité lorsque vous étiez membre du Groupe des sénateurs indépendants, que le sénateur Woo ne l’a pas fait. En fait, le sénateur Woo a dit qu’il y avait des élections. Voilà un argument valable, j’imagine.

Est-ce qu’au départ le Groupe progressiste du Sénat tient des élections pour déterminer qui pourra siéger à tel ou tel comité? Nous comprenons que vous voulez avoir le droit de conserver ce siège, mais comment faites-vous pour l’obtenir? Avez-vous aussi le droit d’en exiger un? Est-ce que c’est plutôt quelqu’un qui suggère que vous deveniez membre d’un comité donné? Je suppose que c’est le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, mais ce n’est peut-être pas le cas. Est-ce une nomination? Comment arrivez-vous à être membre du comité?

Le sénateur Dalphond : Je vous remercie de vos questions, sénateur Plett. Je suis désolé de constater que vous n’avez pas lu la lettre d’opinion de Jane Cordy, notre leader. Elle a expliqué clairement que nous avons, comme tous les groupes devraient avoir, un type de mécanisme qui permet de déterminer qui s’intéresse à quoi et de suivre la liste lorsque nous faisons nos propositions au Comité de sélection. Il ne s’agit toutefois pas d’un mécanisme de sélection. Nous avons l’avantage d’être un petit groupe, ce qui nous permet de décider collégialement qui veut faire partie de quel comité. C’est peut-être plus difficile quand votre groupe compte 20 ou 44 membres. Je comprends que cela fait partie du mécanisme interne, mais il n’en reste pas moins que ce n’est qu’un mécanisme interne. Il ne fait pas de nominations. Il sert vraiment à formuler des recommandations. C’est le Sénat qui fait les nominations.

Le sénateur Plett : Vous avez aussi clairement indiqué que vous voulez être complètement autonome. Vous ne voulez être redevable à personne. Vous ne voulez pas qu’on vous dise quoi faire. Pourtant, vous avez décidé de faire partie d’un groupe. Si vous ne pouviez pas vous entendre avec le Groupe des sénateurs indépendants, pourquoi n’avez-vous pas fait ce que vous prétendiez vouloir faire en siégeant comme non affilié? Vous avez plutôt décidé de vous joindre à un groupe.

Je le répète, au sein d’un groupe, il règne un certain — je ne sais pas, mais c’est plus que de la camaraderie — ordre, comme dans toute organisation. En tant que juriste et que juge, vous convenez sûrement qu’il est nécessaire d’avoir un peu d’ordre. Je présume que c’est peut-être pour cette raison que vous avez voulu vous joindre au Groupe progressiste du Sénat. Toutefois, si vous vouliez être complètement autonome, pourquoi ne pas simplement siéger comme non affilié? Ainsi, personne ne pourrait vous donner de directives.

Le sénateur Dalphond : Je ne suis pas certain de voir le lien avec la motion d’amendement dont nous sommes saisis, mais je peux vous dire que, dans notre groupe, ce n’est pas un problème. Je me sens très à l’aise de donner mon point de vue à mes collègues, et ils en font de même. Nous ne sommes soumis à aucune discipline de parti, et ce n’est pas un problème.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Le sénateur Dawson : Honorables sénateurs, je propose l’ajournement du débat à mon nom. Si vous me le permettez, j’aimerais souligner que la leader de mon groupe n’est pas ici et qu’on a dit beaucoup de choses sur elle. Demain, je lirai un discours en son nom sur le sujet. Je pense qu’il est important qu’elle puisse participer au débat. Comme vous ne voulez pas qu’elle vote mardi prochain, on pourrait au moins entendre ce qu’elle a à dire demain. Je propose donc l’ajournement du débat à mon nom.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, l’honorable sénateur Dawson propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : Non.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les non l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur le Président : Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Honorables sénateurs, conformément à l’article 9-5 du Règlement, je peux demander au représentant du gouvernement et à la whip de l’opposition s’il y a entente pour que la sonnerie retentisse pendant moins d’une heure. Y a-t-il une entente?

Il y a une entente pour que la sonnerie retentisse pendant 30 minutes, mais elle exige le consentement unanime des sénateurs.

Est-ce d’accord, honorables sénateurs?

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : J’ai entendu un « non ». Le vote aura lieu à 18 h 25.

Convoquez les sénateurs.

(1820)

La motion, mise aux voix, est rejetée :

POUR
Les honorables sénateurs

Bellemare Dawson
Bovey Harder
Dalphond Mercer—6

CONTRE
Les honorables sénateurs

Anderson Martin
Ataullahjan Marwah
Batters McPhedran
Black (Ontario) Mégie
Boehm Moncion
Boisvenu Ngo
Boniface Oh
Busson Omidvar
Carignan Pate
Cormier Patterson
Cotter Petitclerc
Dagenais Plett
Dasko Ringuette
Deacon (Ontario) Saint-Germain
Dean Seidman
Galvez Smith
Housakos Tannas
Jaffer Wallin
Keating Woo—39
Loffreda

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs

Gagné McCallum
Gold Moodie—5
LaBoucane-Benson

(1830)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, conformément à l’article 3-3(1) du Règlement, je suis obligé de quitter le fauteuil jusqu’à 20 heures, à moins que vous souhaitiez ne pas tenir compte de l’heure.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, de faire abstraction de l’heure?

Des voix : D’accord.

Motion concernant la composition des comités—Rejet de la motion d’amendement—Débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Saint-Germain, appuyée par l’honorable sénateur Oh,

Que, pour le reste de la présente session et nonobstant toute disposition du Règlement ou pratique habituelle :

1.le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense soit composé de 12 sénateurs, sans compter les membres d’office;

2.le Comité de sélection, le Comité du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement et le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration aient le pouvoir d’élire jusqu’à trois vice-présidents;

3.tous les autres comités, à l’exception du Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs et les comités mixtes, aient le pouvoir d’élire deux vice-présidents;

4.dans le cas où un comité élit plus d’un vice-président :

a)la mention de vice-président à l’article 12-18(2)b)(ii) du Règlement vaille mention de tous les vice-présidents agissant de concert;

b)la mention de vice-président à l’article 12-23(6) du Règlement vaille mention d’un seul vice-président agissant individuellement;

c)la mention de vice-président d’un comité dans une politique ou des lignes directrices adoptées par le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration vaille mention de tous les vice-présidents agissant de concert, jusqu’à ce que le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration en décide autrement;

5.le Comité de sélection soit un comité permanent;

6.le Comité de sélection soit autorisé à proposer des recommandations au Sénat sur toute question reliée aux séances du Sénat ou des comités par vidéoconférence ou téléconférences, à la coordination de telles réunions et aux mesures qui pourraient faciliter ou augmenter leurs opérations;

7.dans le cas où un comité du Sénat met sur pied un Sous-comité du programme et de la procédure, deux membres du sous-comité soient autorisés à instruire le greffier du comité de convoquer une réunion du comité aux fins d’examen d’un projet d’ordre du jour en lui faisant parvenir une lettre signée, sur réception de laquelle le greffier convoquera une réunion du comité à l’heure de la prochaine réunion du comité, au cours d’une semaine où le Sénat siège, conformément au calendrier convenu qui est plus de 24 heures après la réception de la lettre;

8.sauf dans le cas du Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs :

a)sous réserve de l’alinéa b), si un sénateur cesse d’être membre d’un parti reconnu ou d’un groupe parlementaire reconnu particulier, pour n’importe quelle raison, il cesse simultanément d’être membre de tout comité dont il est à ce moment membre, le siège vacant étant pourvu par le leader ou le facilitateur du parti ou du groupe auquel le sénateur appartenait, en suivant le processus établi à l’article 12-5 du Règlement;

b)si un sénateur cesse d’être membre d’un parti reconnu ou d’un groupe parlementaire reconnu parce que ce parti ou groupe cesse d’exister, il demeure membre de tout comité auquel il appartenait, sous réserve de l’alinéa c), mais il cesse d’être président ou vice-président d’un comité s’il occupe l’un ou l’autre de ces postes, et il cesse d’être membre de tout Sous-comité du programme et de la procédure dont il est membre;

c)si un sénateur non affilié devient membre d’un parti reconnu ou d’un groupe parlementaire reconnu, il cesse d’être membre de tout comité dont il est membre à ce moment, le siège vacant étant pourvu soit par ordre du Sénat, soit par l’adoption par le Sénat d’un rapport du Comité de sélection;

9.tout changement de membre d’un comité en vertu du paragraphe 8 du présent ordre soit consigné aux Journaux du Sénat.

Et sur la motion d’amendement de l’honorable sénatrice Bellemare, appuyée par l’honorable sénateur Loffreda,

Que la motion ne soit pas maintenant adoptée, mais qu’elle soit modifiée par :

a)l’ajout du mot « and » à la fin du paragraphe 6 dans la version anglaise;

b)la substitution, aux paragraphes 8 et 9, de ce qui suit :

« 8. Sauf dans le cas du Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, un sénateur qui change son affiliation cesse d’être président ou vice-président d’un comité s’il occupe l’un ou l’autre de ces postes. ».

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : Non.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les non l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur le Président : Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Le sénateur Plett : Immédiatement.

Des voix : Maintenant.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Est-ce d’accord, honorables sénateurs

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président : Passons maintenant au vote.

La motion d’amendement de l’honorable sénatrice Bellemare, mise aux voix, est rejetée :

POUR
Les honorables sénateurs

Bellemare Housakos
Bovey McPhedran
Dalphond Mercer
Dawson Moodie—9
Harder

CONTRE
Les honorables sénateurs

Anderson Marwah
Ataullahjan McCallum
Batters Moncion
Boehm Ngo
Boisvenu Oh
Boniface Omidvar
Busson Pate
Carignan Patterson
Cotter Petitclerc
Dagenais Plett
Dasko Ringuette
Deacon (Ontario) Saint-Germain
Dean Seidman
Jaffer Smith
Keating Tannas
Loffreda Wallin
Martin Woo—34

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs

Black (Ontario) Gold
Cormier LaBoucane-Benson
Gagné Mégie—7
Galvez

Son Honneur le Président : Nous reprenons le débat sur la question. Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Question de privilège

Report de la décision de la présidence

L’honorable Pierre J. Dalphond : Votre Honneur, j’ai une question de privilège.

Honorables sénateurs, je prends la parole pour soulever une question de privilège sans préavis, conformément à l’article 13-4 du Règlement. Je le fais parce que la motion dont nous sommes saisis, qui a été présentée de cette façon et à ce moment-ci, porterait atteinte au privilège des sénateurs qui ne sont pas présents en raison de la pandémie de COVID-19. Étant donné que l’amendement a été rejeté, nous reprenons le débat et nous empêchons des gens d’y participer. Plus précisément, la motion privera ces sénateurs de l’exercice de leurs droits au titre de l’article 12-2(3) du Règlement. Selon cette règle, les sénateurs nommés aux comités permanents et aux comités mixtes permanents restent en fonction pour la durée de la session. La motion dont nous sommes saisis suspendrait l’application de cette règle du Sénat, qui a été établie il y a de nombreuses années.

La modification proposée par la motion serait préoccupante en tout temps parce qu’elle limiterait l’indépendance structurelle des sénateurs, ce qui aurait pour effet de centraliser les pouvoirs entre les mains des dirigeants. Toutefois, en raison de la pandémie, cette modification, proposée de cette façon et à ce moment-ci, porte atteinte aux privilèges des sénateurs.

Comme les séances hybrides ne commenceront que la semaine prochaine, de nombreux sénateurs ne sont pas en mesure de participer aux séances actuelles en raison des risques élevés de contracter la COVID-19, risques qui seraient pratiquement inévitables pendant un voyage. Ces sénateurs n’ont donc pas la possibilité d’intervenir alors que la motion à l’étude pourrait leur retirer leurs droits. Il leur est impossible, pour le moment, de participer au débat sur la motion et de voter. Il leur est aussi impossible d’empêcher le Sénat de siéger, d’étudier cette motion et de tenir un vote qui pourrait leur retirer leurs droits individuels à titre de sénateurs.

Pour déterminer si une question de privilège est fondée à première vue, il faut vérifier si quatre critères sont respectés, comme le prévoit l’article 13-2(1) du Règlement. Premièrement, la question de privilège doit être soulevée à la première occasion. En l’occurrence, ce critère est satisfait conformément à l’article 4-11(2) :

Un sénateur peut soulever toute question de privilège relative :

a) à une affaire dont préavis a été donné au cours des affaires courantes seulement au moment où l’affaire est appelée pour la première fois; [...]

L’affaire a été appelée pour la première fois aujourd’hui.

Deuxièmement, il faut que la question de privilège « se rapporte directement aux privilèges du Sénat, d’un de ses comités ou d’un sénateur ». Comme on peut le lire à la page 223 de La procédure du Sénat en pratique :

La définition classique du privilège parlementaire, qui est toujours applicable aujourd’hui, a été donnée pour la première fois en 1946 dans la 14e édition d’Erskine May’s Treatise on the Law, Privileges, Proceedings and Usage of Parliament :

Le privilège parlementaire est la somme de certains droits à chaque chambre, collectivement [...] et aux membres de chaque chambre individuellement, faute desquels il leur serait impossible de s’acquitter de leurs fonctions. Ces droits dépassent ceux dont sont investis d’autres organismes ou particuliers. Certains privilèges reposent uniquement sur la loi et la coutume du Parlement, tandis que d’autres sont définis par la loi.

J’ajouterais qu’ils sont aussi définis dans le Règlement du Sénat.

(1840)

Je cite encore La procédure du Sénat en pratique:

Le but du privilège est de permettre au Parlement et, par extension, à ses membres de remplir leurs fonctions sans ingérence ou obstruction injustifiée. Il appartient essentiellement et collectivement à l’assemblée ou à la Chambre. Les parlementaires ne peuvent l’invoquer que dans la mesure où « une atteinte à leurs droits ou des menaces risqueraient d’entraver le fonctionnement de la Chambre ». En outre, les parlementaires ne peuvent invoquer un privilège, un droit ou une immunité pour des questions qui ne sont pas en lien avec leurs fonctions à la Chambre.

Dans ce cas-ci, pendant la deuxième vague de la COVID-19, beaucoup de sénateurs sont dans l’impossibilité de se rendre à Ottawa parce qu’ils doivent respecter les consignes de santé publique, les mesures d’urgence et les précautions qui s’imposent. Pourtant, le Sénat siégera et doit siéger de toute façon, notamment pour s’acquitter de son rôle dans la mise en œuvre des mesures d’urgence, comme l’adoption des programmes d’aide en réponse à la COVID-19. Beaucoup de sénateurs sont dans l’impossibilité de participer aux débats, de proposer des amendements ou de voter sur les amendements et les motions. Si le Sénat débat de cette motion aujourd’hui ou s’il procède au vote, des sénateurs risquent de se voir nier leurs droits individuels aux termes du Règlement, car ils n’auront pas la possibilité ou l’occasion d’intervenir.

En revanche, la semaine prochaine, lorsque les séances hybrides commenceront, la situation sera telle que l’étude de la motion ne constituera pas une atteinte au privilège, car les sénateurs pourront participer aux délibérations sans trop d’entraves. Il y a en jeu une question de privilège collective, plus vaste. On mentionne à la page 389 du Document d’accompagnement du Règlement du Sénat, où il est question de la deuxième condition, que la question concerne directement le privilège du Sénat si elle porte atteinte au « droit du Sénat à la présence de ses membres. »

Or, de nombreux sénateurs ne peuvent assister aux séances en personne. Si nous étudions la motion aujourd’hui, nous aggraverons la question de privilège en portant atteinte aux droits individuels alors que les parlementaires s’efforcent de faire fonctionner l’endroit pour les Canadiens, bien qu’imparfaitement. Je ne soulève pas cette question de privilège dans l’intention d’invalider les travaux du Sénat qui ont eu lieu dans des circonstances causées par la pandémie de COVID-19. Lorsque survient une urgence, le gouvernement doit considérer que le mieux est l’ennemi du bien. La COVID-19 impose ses propres règles. J’estime toutefois qu’en l’occurrence, on dépasse les bornes si on prive les sénateurs de leurs droits individuels.

Avec cette motion, dans les circonstances actuelles, des sénateurs perdront des droits que leur confère le Règlement pour le reste de la session, voire pendant des années — je n’en suis pas sûr —, ce qui nuira au déroulement des travaux de cette Chambre, puisque la motion minerait l’indépendance que l’article 12-2(3) confère aux sénateurs par rapport aux leaders. Cela s’applique aux travaux des comités. De plus, le retrait de cette règle pourrait poser problème en ce qui concerne la composition des comités. Le deuxième critère est donc respecté, car la question se rapporte directement aux privilèges du Sénat, de ses comités et des sénateurs.

Comme troisième critère pour établir si la question de privilège est fondée à première vue, la question doit viser à corriger une atteinte grave et sérieuse. Encore une fois, comme le précise le Document d’accompagnement du Règlement du Sénat, il doit s’agir d’une chose qui « [...] minerait sérieusement la compétence des comités de fonctionner et remettrait même en question les travaux du Sénat ».

Si, dans les circonstances actuelles, de nombreux sénateurs perdent le droit de conserver leur siège dans un comité pour la durée de la session à cause de cette motion, alors cela minera sérieusement la capacité de fonctionner des comités. Nous avons vu récemment le genre d’incertitude qui découle de la suspension de l’article 12-2(3) avec la motion que le sénateur Woo a présentée le 11 mars. Je souligne que la motion qui a été adoptée à ce moment-là a créé des problèmes.

En mai dernier, lorsque le Groupe progressiste du Sénat a été reconnu, le sénateur Munson a été retiré du Comité de la régie interne et du Comité des affaires sociales, malgré qu’il avait été nommé membre de ces deux comités dans un ordre adopté par le Sénat le 11 avril, à la suite de la motion du 11 mars.

De plus, le sénateur Harder a été retiré du Comité des finances. En conséquence, le statut de membres de ces sénateurs à ces comités a fait l’objet d’une interprétation et a été remis en doute. Pour cette raison, le 16 juin dernier, le représentant du gouvernement, le sénateur Gold, a présenté une motion adoptée par le Sénat, qui a précisé que le sénateur Munson et le sénateur Harder continuaient à être membres de ces comités.

La troisième condition est respectée étant donné que la contestation de la composition d’un comité est une atteinte grave et sérieuse au bon fonctionnement du Sénat.

Quatrièmement, la question de privilège doit « cherche[r] à obtenir une réparation que le Sénat est habilité à accorder et qui ne peut vraisemblablement être obtenue par aucune autre procédure parlementaire ».

Dans la situation qui nous occupe, la réparation consistera à s’abstenir — par consentement ou par motion, y compris lorsqu’il y a une présomption d’atteinte au privilège — de voter sur les amendements ou la motion principale jusqu’au commencement des séances hybrides dans moins de six jours. Cela permettra non seulement de régler ce problème attribuable aux circonstances, mais seul le Sénat peut accorder une telle réparation, qui ne peut être obtenue par aucune autre procédure parlementaire. Comme on peut le lire dans la décision de la présidence du 22 mars 2018, ces procédures incluent « le débat, les amendements, le renvoi au comité et, éventuellement, le rejet ou l’adoption de la motion ».

Voilà les enjeux en cause maintenant. En l’occurrence, ces procédures ne sont pas accessibles aux sénateurs qui ne peuvent pas se présenter dans cette enceinte et participer au débat, notamment en proposant des amendements et en votant. Le quatrième critère est donc respecté.

Honorables sénateurs, étant donné que les quatre critères ont été respectés, j’estime qu’il y a matière à question de privilège, et aussi une solution adéquate à portée de la main.

Comme l’indique l’article 13-1 du Règlement :

Une atteinte aux privilèges d’un seul sénateur cause un préjudice à tous les sénateurs et entrave le fonctionnement du Sénat. Le maintien des privilèges du Sénat incombe donc à chaque sénateur et doit être discuté en priorité.

Chers collègues, j’espère que nous trouverons ensemble le moyen de protéger les droits des sénateurs, ainsi que, peut-être, les droits collectifs du Sénat qui font que les sénateurs peuvent détenir des droits individuels jusqu’à ce que l’ensemble des sénateurs prennent collectivement une décision concernant la motion qui aura des conséquences pour chacun d’eux. Merci.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Je serai très bref et je laisserai mon collègue et éminent juriste, le sénateur Carignan, présenter quelques arguments. Je tiens cependant à dire quelque chose, Votre Honneur, dont vous êtes bien conscient. Aucun privilège parlementaire des sénateurs n’a été bafoué en raison de restrictions qui seraient imposées aux sénateurs qui décident de se déplacer de leur domicile jusqu’au Sénat. Aucune restriction n’est imposée aux sénateurs qui viennent au Sénat, comme l’a montré aujourd’hui le sénateur Mercer lorsqu’il a parlé du nombre de personnes de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick et de Terre-Neuve-et-Labrador qui sont présentes, y compris vous, Votre Honneur, même si, nous le savons, vous devez vous placer en isolement lorsque vous rentrez à la maison, mais cela ne vous empêche pas d’être ici et de faire votre devoir de Président.

Ce sont des arguments farfelus. Depuis le début de l’année, nous avons adopté des mesures législatives représentant près de 500 milliards de dollars. Le sénateur Dalphond devait dormir pendant ce temps, car il n’a jamais soulevé la question de privilège quand nous devions nous limiter à 15 sénateurs sur place ou quelque autre chiffre. Je vais essayer de ne pas me tromper. C’était peut-être 25. Chose certaine, notre nombre était limité. Je pense que, du côté des conservateurs, il pouvait y avoir six sénateurs.

(1850)

Qu’en était-il du privilège parlementaire des sénateurs qui ne pouvaient pas être présents pour appuyer les mesures législatives sur lesquelles nous votions? Le sénateur Dalphond n’a pas eu de difficulté à approuver des centaines de millions de dollars. Voilà tout à coup qu’il se réveille à cause d’une résolution concernant les comités.

Votre Honneur, ce n’est qu’une pure tactique dilatoire de la part d’un sénateur qui a écrit des lettres à notre leader à la Chambre des communes pour lui demander d’intervenir dans nos travaux parce que nous retardons les choses. C’était sa deuxième lettre. Il a écrit à notre ancien Président parce que, selon lui, nous retardons les choses.

Le voilà maintenant qui utilise une raison frivole pour retarder les choses. Il est de la plus haute importance, Votre Honneur, que vous ne preniez pas la question en délibéré trop longtemps, car il aurait ainsi atteint son but. Il serait très injuste qu’un sénateur puisse à lui seul empêcher le Sénat de travailler avec une motion futile qui n’est rien d’autre qu’une tactique dilatoire alors qu’il ne dit rien depuis mars, depuis que nous avons commencé à adopter des mesures législatives.

Votre Honneur, je suis tout à fait convaincu que vous vous prononcerez très rapidement sur cette question. Je ne vais pas vous dire comment vous devriez statuer. Je n’ai pas besoin de le faire. Je vous demande toutefois de rendre une décision. Vous aurez peut-être besoin d’une heure pour discuter de la question, mais si vous retardez davantage votre décision, le sénateur Dalphond obtiendra exactement ce qu’il essaie actuellement d’obtenir de manière très injuste.

L’honorable Yuen Pau Woo : Permettez-moi de prendre part à la discussion sur cette question de privilège et de faire écho aux commentaires du sénateur Plett selon lesquels la question est frivole, sans fondement et fallacieuse. Avec tout le respect que je vous dois, Votre Honneur, j’espère que vous pourrez rendre une décision rapidement. Il est tellement flagrant que la question est sans fondement qu’on peut, selon moi, vite en disposer.

Permettez-moi d’aborder quelques points que le sénateur Plett n’a pas encore soulevés.

En ce qui concerne le fait de donner un avis de question de privilège dès que possible, le sénateur Dalphond a techniquement raison de dire qu’il a donné avis de la question de privilège dès que l’amendement précédent a été rejeté. Cependant, il est de mauvaise foi parce qu’il savait que de nombreux votes auraient lieu cette semaine, qu’il a participé à de nombreux votes et qu’il a choisi de ne soulever de question de privilège pour aucun des autres votes qui ont eu lieu — pas seulement cette semaine, mais aussi, bien sûr, au cours des semaines et des mois précédents où un nombre réduit de sénateurs siégeaient.

On ne peut que conclure que le sénateur Dalphond soulève une question de privilège sur cette question parce qu’il n’aime pas le résultat. Ce n’est pas une raison pour soulever une question de privilège. Si un sénateur n’aime pas une motion, il doit voter contre. Participer à plusieurs votes sur une foule d’autres motions — y compris celle dont a parlé le sénateur Plett, qui concerne des centaines de millions de dollars —, laisser les travaux se dérouler normalement, puis soulever une question de privilège lorsqu’un vote ne se déroule pas comme on le souhaite, ce n’est pas la façon de faire. Je trouve que cette approche témoigne d’une absence de principes et devrait être en soi une raison pour rejeter cette demande.

Permettez-moi également de dire que le sénateur Dalphond essaie de faire une distinction entre les votes qui ont eu lieu sur des projets de loi du gouvernement et le vote que nous voulons avoir, celui qui a eu lieu tout récemment sur l’amendement et celui que nous espérons avoir sur la motion principale qui est actuellement débattue.

Son argument de base est qu’il existe une hiérarchie du privilège, soit que celui-ci est plus important pour les sénateurs s’il s’applique à un projet de loi du gouvernement que s’il s’applique à d’autres votes. Je ne suis pas juriste, mais je ne crois pas que cet argument soit valable. Le privilège, c’est le privilège : il est indivisible. Comment osez-vous me dire que le privilège qui me permet de me prononcer sur un projet de loi est moins important que dans le cas d’un autre projet de loi? C’est essentiellement ce que le sénateur soutient en ce moment parce qu’il nous dit que nous pouvons ignorer une atteinte que nous aurions portée au privilège relativement à des dépenses de plusieurs milliards de dollars. Nous pouvons mettre tout cela de côté, mais sur cette question, nous devrions demander à Son Honneur qu’elle déclare qu’il s’agit d’une atteinte au privilège.

Enfin, permettez-moi de dire un mot sur l’affirmation selon laquelle permettre au vote d’avoir lieu pourrait compromettre en quelque sorte le travail des sénateurs ainsi que la capacité des comités de fonctionner. Le sénateur a lui-même donné l’exemple haut en couleur de deux sénateurs du Groupe progressiste du Sénat qui ont été exclus de leurs comités en raison d’un ordre sessionnel, mais qui ont pu les réintégrer rapidement. Pourquoi? Parce que les dirigeants des groupes en ont discuté, de concert avec la sénatrice Cordy, et qu’ils ont convenu que c’est ce qu’il fallait faire. Nous avons demandé au sénateur Gold de faire exactement ce qu’il avait expliqué, et le tout s’est passé rondement et sans perturbation.

En fait, comme l’a dit tantôt la sénatrice Saint-Germain, nous travaillons dans un environnement ou l’article 12-2(3), qui porte sur la transférabilité, est suspendu de façon générale depuis quatre ans. Cela ne nous a pas empêchés de travailler. Quelqu’un peut-il vraiment prétendre que cela a nui à la capacité du Sénat de bien fonctionner? Certainement pas.

Votre Honneur, j’aimerais réitérer qu’il ne s’agit pas tout simplement d’une discussion intellectuelle ou d’un sujet qui exige beaucoup de réflexion. Sauf le respect que je dois à votre décision et à la façon d’y arriver, je suis d’avis que la question soulevée est frivole et spécieuse, et qu’il faudra en disposer le plus vite possible.

L’honorable Dennis Dawson : Comme le disait notre ancien collègue, le sénateur Baker, je serai bref. Toutefois, dans mon cas, ce sera vrai.

S’il est un cas dans mes 15 années de carrière comme sénateur où le privilège des sénateurs... Ceci n’est pas un projet de loi du gouvernement. Ce n’est pas un projet de loi institutionnel ni un projet de loi organisationnel. C’est une mesure qui remet en question les droits des sénateurs, c’est-à-dire des sénateurs qui ne sont pas présents et qui pourront l’être mardi. C’était mon premier point.

Deuxièmement, il n’y a pas d’urgence. Aucune échéance ne nous oblige à régler cette question d’ici demain ou après-demain. Il n’y a aucune urgence. Il n’y a pas de projet de loi à étudier. Nous avons toujours dit que nous coopérerions et créerions les comités nécessaires pour étudier les projets de loi. Nous l’avons fait cet été.

En ce qui concerne la comparaison de cette question avec ce qui a été fait ces derniers mois, cela a été fait dans un esprit de coopération. Tous les comités, les caucus, les leaders et les sénateurs étaient d’accord pour dire que c’était la meilleure chose à faire, y compris les absents, qui nous ont donné le pouvoir de voter en leur nom. Ils n’ont pas fait cela pour que nous les empêchions de voter à l’égard d’une mesure qui les concerne directement. Ceci n’est pas un projet de loi du gouvernement, ni un projet de loi institutionnel, ni un projet de loi de comité; c’est un enjeu qui concerne les sénateurs eux-mêmes.

[Français]

L’honorable Claude Carignan : Pour répondre à mon ami de Joliette, le sénateur Dalphond, j’ai de la difficulté à comprendre son argument quand il affirme qu’il soulève la question à la première occasion.

La première occasion, c’était, si l’on se base sur son argument selon lequel c’est à cause de la COVID-19 que les sénateurs n’ont pas pu tous se rendre ici, conformément à votre demande et à l’ordre du Sénat et conformément au Règlement, lorsque le discours du Trône a été prononcé. C’était la première occasion.

Donc, pour répondre à son argument selon lequel la question n’a pas été soulevée à la première occasion en raison de l’impossibilité pour les sénateurs de se rendre au Sénat à cause de la pandémie, je dirai que la question aurait dû être soulevée immédiatement après le discours du Trône, pendant la séance que nous avons tenue.

Son argument selon lequel les sénateurs absents sont brimés n’a rien à voir avec la résolution du problème, qui est de trouver une solution pour organiser les comités. C’est une décision que le Sénat doit prendre, comme d’autres sénateurs l’ont mentionné. Le Sénat a pris plusieurs décisions depuis que le discours du Trône a été prononcé, même si un certain nombre de sénateurs étaient absents, et ce, en respectant toujours le Règlement, le quorum et les avis de convocation que vous, monsieur le Président, nous avez envoyés pour nous inviter à nous présenter ici, dans cette Chambre.

(1900)

Donc, même si certains ne se présentent pas ici parce qu’ils ont peur de la COVID-19 ou parce qu’ils ont une maladie quelconque qui les garde alités, on ne devrait pas remettre en cause la validité des séances du Sénat, parce que ces personnes ont différentes raisons de ne pas se présenter ici.

Je vous rappelle que, conformément à la motion sur les sessions hybrides, c’est vous qui déciderez du moment où devront se tenir ces séances. La motion mentionne que c’est à vous de décider de ce moment, puisque le Sénat vous a accordé ce pouvoir. Donc, d’ici là, toutes les séances qui ont été convoquées sont valides, conformes aux droits et aux privilèges des sénateurs, et elles sont tout aussi conformes à leur obligation d’être présents dans cette Chambre.

Je ne m’attendais pas à voir mon collègue de Joliette, un ancien juge de la Cour d’appel du Québec, utiliser des tactiques dilatoires pour essayer de retarder le bon fonctionnement du Sénat.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

L’honorable Leo Housakos : Votre Honneur, je dois dire que, comme d’habitude, j’admire votre bienveillance. En effet, je suis réellement surpris de la latitude dont vous faites preuve par rapport à cette question de privilège.

Au bout du compte, Votre Honneur, nous savons tous qu’une question de privilège peut être soulevée quand on empêche un sénateur de s’acquitter de ses obligations ainsi que d’exercer ses droits et ses privilèges dans cette enceinte. Rien ne s’est produit dans le cadre de la procédure précédant le débat qui a empêché les sénateurs d’être présents ici pour souligner les enjeux que, de toute évidence, ils jugent problématiques. Nous savons tous que, au cours des derniers jours et des dernières semaines, les leaders des divers groupes se sont livrés à des négociations. Je suppose que, comme notre caucus, les autres groupes parlementaires ont été tenus au courant des développements. Depuis un certain nombre de semaines, tous les caucus ont organisé des vidéoconférences sur Zoom et Microsoft Teams.

Si un sénateur pensait qu’il était d’une importance capitale qu’il soit là pour participer à ce débat, il aurait pu l’être. De toute évidence, cette question de privilège a été utilisée à mauvais escient à des fins dilatoires. Les questions de privilège ne sont pas censées servir à retarder les travaux du Sénat. Il est vraiment déplacé de les utiliser de cette manière. Cela crée un terrible précédent.

Finalement, comme mon collègue le sénateur Carignan l’a souligné à juste titre, si un sénateur tombe malade et ne peut pas participer à une séance, s’agit-il d’une question de privilège? Faut-il s’empêcher de tenir un vote? Cela ne s’est jamais vu.

Dans ce cas précis, Votre Honneur, comme je l’ai déjà dit, je m’étonne que vous ayez eu la grande bienveillance d’entendre cette question de privilège.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, j’aimerais seulement ajouter quelques observations. J’ai écouté très attentivement les interventions de mes collègues, et le moment qu’a choisi le sénateur pour soulever la question de privilège me semble quelque peu étrange et suspect. Si cette question de privilège l’inquiétait vraiment, il aurait pu la soulever dès le début du débat; mais c’est seulement après avoir perdu plusieurs votes qu’il choisit de la soulever.

L’autre chose à laquelle je pensais, c’est à quel point le travail des comités est important pour le Sénat. Je me souviens quand je suis arrivée au Sénat, en 2009, je me suis fait dire que les travaux en comité constituent le pain et le beurre du Sénat, et que c’est à cet endroit que le plus gros du travail est effectué. Il y a longtemps que nous n’avons pas effectué de travail en comité. Nous n’avons eu que quelques réunions sur Zoom. Nous savons toutefois qu’énormément d’efforts ont été déployés, et continueront d’être déployés, et que beaucoup de temps et d’étapes ont été nécessaires pour parvenir à une motion de la sorte. Elle a été approuvée par les dirigeants, qui ont ensuite consulté leurs caucus et leurs groupes respectifs. Ce n’est pas un processus nouveau. Je pense au fait que la question de privilège pourrait retarder davantage les travaux de la majorité des sénateurs si nous ne nous prononçons pas sur la motion principale aussitôt que possible, comme il se doit. Je pense que mes collègues ont déjà exposé leur point de vue, mais je voulais ajouter ces deux points. Merci, Votre Honneur.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je tiens à remercier chacun d’entre vous qui avez participé au débat. Je comprends l’importance qu’on accorde aux échéances. Je prendrai la question en délibéré, mais j’informe le Sénat que je rendrai une décision le plus rapidement possible.

(À 19 h 6, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)

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